Quand Charlotte CALMIS découvrait Séraphine en… 1976

La première fois que j’ai entendu le nom de Séraphine de Senlis c’était en 1976, par la bouche de Charlotte Calmis qui rentrait d’un voyage à Senlis avec sa photo, celle Uhde, et des photos de ses tableaux.
Bouleversée par cette rencontre avec une peinture tellement aboutie, Charlotte Calmis avait écrit un texte qui n’a jamais été publié en France, mais qui fut traduit en américain par Mary Guggenheim, alors en visite en France (« Séraphine de Senlis », by Charlotte Calmis, translated by Mary Guggenheim. Womanart / Winter 77-78, Vol. 2, n° 2).
Comme Séraphine est aujourd’hui reconnue par très large public, je trouve important de lui rendre justice en publiant son écrit pionnier. M.J. Bonnet

On découvre un certain matin du 31 janvier 1932, devant le kiosque de musique du cours Montmorency de Senlis, tout un déménagement étrange: tableaux, couverts, objets, tapis. Le coupable de ce forfait ? Une femme de ménage dite Séraphine Louis.
Elle vient mystérieusement en cette nuit « de se dépouiller de tous ses biens ! » Ils furent achetés avec « son passe temps favori », la peinture.
Séraphine Louis endosse une des dernières formes que cette société lui confère « figure légendaire atteinte de débilité mentale ». Dirigée aussitôt sur un asile elle y végète dans le silence une dizaine d’années, coupable d’avoir réveillé une des puissances énergétiques les plus mal connues de notre univers, les possibilités de création de l’espèce féminine.
Voici éclatés les secrets enfouis depuis des siècles de soumission, de passivité, de long silence. Tout est terminé dit-elle mystérieusement durant ses années de réclusion.
L’oeuvre de Séraphine est une mémoire mythique qui explore. La force créatrice vitale est si forte qu’elle surgira dans cette femme de 42 ans, qui n’avait jamais peint auparavant, toute armée, semble-t-il, de sa propre « technicité » dans l’art de peindre… mémoire mythique, répertoire d’avant partir du paradis.
Ses tableaux d’arbres sont l’ARBRE. Le feuillage est le ciel ; chaque feuille un regard ; d’étranges fruits inquiètent. Tout un archétype explose dans cette inspiration qu’elle écoute, qu’elle nomme, qu’elle décrit.
Oeuvre singulière où s’expérimente une nouvelle expérience du sacré. Des murmures de l’éternité montent « d’avant la grande culpabilité de la femme et du péché originel ».
L’Eden est à regagner et à retrouver l’arbre de la connaissance, aux frontières des rivages interdits, pour accéder à la parole déculpabilisée.
Matière picturale… Matière lourde… Frôlements, chuchotements, palpitations semblent réveiller en nous un monde de sensations endormies et amorphes. Un frémissement orgasmique, un frémissement mystique animent ces surfaces à deux dimensions. Le silence trouve son dialogue.

Charlotte CALMIS, 1977, inédit

SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Séraphine Louis fut « découverte » en 1912 par Wilhelm Uhde (le premier mari de Sonia Delaunay qui accepta un mariage blanc pour qu’elle puisse rester en France). Il l’employait à Senlis comme femme de ménage alors qu’elle peignait depuis quelques années déjà, sur les conseils de son ange gardien qui lui apparut un jour durant un office à la cathédrale, et lui dit de se mettre au dessin.
C’est dire comme le mystère de son talent reste entier puisque la beauté lui fut révélée sans intermédiaire, par l’imprégnation de la Cathédrale et de l’architecture médiévale de la ville de Senlis.
On observera d’ailleurs, en regardant la rosace méridionale de la cathédrale, comment des éléments de la structure architecturale réapparaissent dans certaines de ses oeuvres comme L’Arbre de vie (Senlis) ou Feuilles (musée Maillol, Paris). Séraphine n’est pas allée à l’école mais elle avait des yeux pour voir, pendant la messe par exemple, la beauté architecturale qui l’enveloppait. Continuer la lecture de SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Les GOUINES ROUGES (1971-1973)

Les Gouines rouges sont nées d’une volonté de s’affirmer au coeur d’un double mouvement de révolte des femmes et des homosexuels parce que les lesbiennes risquaient d’en disparaître prématurément.

C’était en avril 1971. Le Mouvement de Libération des Femmes existait depuis huit mois environ et les quelques trois cents femmes qui venaient régulièrement aux Assemblées Générales des Beaux-Arts lançaient une campagne pour l’avortement et le contraception libres et gratuits qui faisait beaucoup de bruit. Le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire avait été créé un mois auparavant, à l’initiative de militantes du M.L.F., et de quelques camarades de l’association Arcadie qu’elles connaissaient et qui en avaient assez du réformisme homophile de papa. « L’alliance entre les filles du M.L.F. et les pédés du F.H.A.R. » paraissait si évidente alors que personne n’a remis en question la mixité du F.H.A.R. Ils étaient comme nous victimes de la phallocratie, et comme nous voulaient la « libre disposition de notre corps ». Continuer la lecture de Les GOUINES ROUGES (1971-1973)

Le désir homosexuel féminin est-il un fait naturel?

Entretien avec Elise Thiébaut sur mon livre Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ?

Élise Thiébaut – Le désir lesbien n’est pas frappé d’un interdit religieux et profane dites-vous. Alors pourquoi est-il réprimé, pourquoi les féministes en ont peur et surtout, pourquoi la société le refoule-t-elle au point de le nier, de l’occulter ou d’en faire l’épouvantail de la libération des femmes ?

MJ Bonnet : Ce qui m’a frappé quand j’ai commencé mes recherches c’est de voir que les deux désirs maudits dans la Bible étaient le désir hétérosexuel féminin – et j’analyse l’épisode de la naissance d’Eve et sa punition dans Genèse – et le désir sodomitique (la pénétration anale). La question du désir féminin est donc à la base de la religion des patriarches et de notre culture judéo-chrétienne. Que désire Eve dans l’Eden ? Elle désire les fruits de l’arbre de la connaissance. Et comment Dieu la punie-t-elle d’avoir transgressé l’interdit de la connaissance ? En lui disant : « Ton désir se tournera vers l’homme et il dominera sur toi ». Autrement dit, la religion des patriarches s’impose sur celle des Déesses Mères de l’Antiquité par le biais du désir hétérosexuel féminin conçu comme instrument de domination par l’homme. Dans la Genèse, l’hétérosexualité et la maternité ne sont pas du tout appréhendés comme quelque chose de naturel, mais la conséquence d’une transgression. C’est extraordinaire. Continuer la lecture de Le désir homosexuel féminin est-il un fait naturel?

Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

– « Du sans-valeur au sans-prix », Entretien avec Christine Jean, area revues, n°18 printemps 2009
– « Création, procréation, le processus créatif au féminin », Encyclopédie de la naissance, Albin Michel (à paraître en octobre 2009)
– « La reconnaissance des femmes artistes- Réflexions sur la transmission symbolique », Colloque de Cerisy-la-Salle (50), août 2008.
– « Séraphine Louis, dite de Senlis, un génie singulier », Lesbia mag n°285, novembre 2008.
– « Le féminisme m’a construite », Mai 68, l’héritage, Hors série Télérama, avril 2008.
– « Une vérité qui dérange », Conférence sur la Résistance et la collaboration en Pays d’Auge, L’Eveil de Lisieux, 9 avril 2008.
– « Simone de Beauvoir ou l’ambivalence d’une femme “normale” », Lesbia mag n° 277 et 278, mars et avril 2008.
– « Une mort très douce », n° spécial sur « La transmission Beauvoir, Les Temps Modernes, janvier-mars 2008, n°647-648..
« La Gallo-Romaine aux pinceaux », L’Histoire n° 329, mars 2008.
– « Camille Claudel, “suicidée de la société” ? Persée et la Méduse ou les conséquences dramatiques du clivage femme – artiste » Actes du colloque de Cerisy Regards croisés sur Camille Claudel, juillet 2006, Ed. L’Harmattan, 2008..
– « L’initiatrice », Revue des Lettres et de Traduction, Dossier – Le Nouvel ordre amoureux, Université de Kaslik (Liban), Faculté des Lettres, n°12-2006 Kaslik.
– « Âmes blessées, Lames blessantes, Autour de Paloma Navares et de “La jeune fille sans mains” », Actes du colloque « Corps de femmes en écritures », Toulouse, 1er juin 2006.
– « Art, utopies et féminismes sous le règne des avant-gardes », Colloque, Utopies féministes et expérimentations sociales urbaines, Tours, 8-9 mars 2006.
– « Déportation des lesbiennes… entre stigmatisation et tabou», Lesbia magazine, novembre 2005 et revue Treize, n° 63 printemps 2006, Montréal. Continuer la lecture de Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

Quelle place et quelle visibilité des femmes dans le champ de la création artistique

Quelques réflexions…

« – Voyez-vous l’art comme un monde d’hommes ?
– Louise Bourgeois : Oui, c’est un monde où les hommes et les femmes essaient de satisfaire le pouvoir des hommes.
Pensez-vous qu’il y a un style particulier ou une part de style qui soit propre aux femmes ?
– Louise Bourgeois : Pas encore. Avant que cela se produise, les femmes devront avoir oublié leur désir de satisfaire la structure du pouvoir mâle ». Questionnaire d’Alexis Rafael Krasolowsky, février 1971.

Le monde de l’égalité juridique entre les sexes dans lequel nous vivons aujourd’hui peut donner l’impression qu’il n’y a plus de problèmes et que l’artiste femme est intégrée au champ artistique commun. Continuer la lecture de Quelle place et quelle visibilité des femmes dans le champ de la création artistique

Paris – San Francisco: Histoires parallèles- La première « Lesbienne et gay pride » à Paris

à lire dans LESBIA MAG de juin, en écho au film Harvey Milk, mon article comparant les mouvements de libération homosexuelle à San Francisco et Paris.
Avec deux photos de la manifestation du 27 juin 1977, à Paris, « contre la répression de l’homosexualité » et la campagne anti homo d’Anita Bryant.
Ici, photo de Anne-Marie Faure-Fraisse.

Manifestation à Paris contre la répression de l'homosexualité
Manifestation à Paris contre la répression de l'homosexualité

Ce qui me frappe d’abord, dans ce beau film racontant le combat des homosexuels à San Francisco, c’est de voir à quel point la lutte pour les droits civiques à San Francisco à été menée par les gays. Aucune femme à l’horizon jusqu’à l’apparition d’Anne Kronenberg qui entrera dans l’équipe de la campagne électorale en tant qu’attachée de presse. « Vous voulez bien d’une gouine », demande t-elle aux jeunes gens assemblés dans le magasin d’Harvey Milk pour préparer la campagne électorale. Oui ! mais est-ce vraiment ainsi que s’est passé son entrée dans le groupe gay ?

La mixité du FHAR

Pour moi qui ai vécu la révolte des homosexuel-le-s exactement à la même période (1971-1980), et même un peu avant puisque nous avons commencé l’année précédente, le film sur le mouvement gay de San Francisco est un grand sujet d’étonnement. En effet, s’il y a une réelle différence entre les deux villes, elle se situe d’abord là. En France, la révolte a été mixte dès le départ. Et je dirai même que ce sont des femmes, Anne-Marie Grélois et Françoise d’Eaubonne, qui l’ont lancée, jusqu’à ce que des garçons venus d’horizons différents se joignent à l’embryon de groupe qui se formait. Je citerai bien sûr l’extrême gauche avec Guy Hocquenghem qui faisait partie du groupe maoïste « Vive la Révolution » et devait avoir un rôle déterminant dans le démarrage du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) grâce à deux actes : la publication du numéro 12 de Tout, le 23 avril 1971 avec une double page entièrement consacrée aux homos, hommes et femmes. Et à son interview publiée en janvier 1972 dans le Nouvel Observateur où le beau jeune homme, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, parlait ouvertement de son homosexualité.

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Café des Femmes – Souffles d’Elles

La dernière s »ance du Café des femmes s’est tenue le samedi 13 juin à la Galerie AREA 50 rue d’Hauteville 75010 Paris, à 17h.
Avec Christine Jean et Ola Abdallah.

Nous avons l’intention d’organiser de nouvelles séances dans d’autres galeries qui ont une attention particulière au travail des artistes femmes, hors des chemins battus.

La galerie Giafferi, 89bis rue de Charenton à Paris en fait partie.
En septembre, « ARTS MAGIQUES », à suivre…

Jeudi 11 juin 2009 à 17h Conférence de Marie-Jo BONNET sur la Lesbophobie

MAISON des FEMMES de BORDEAUX, 27 cours Alsace Lorraine Bordeaux, tél: 05 56 51 30 95

Pourquoi les lesbiennes ne parviennent pas à édifier une « communauté » aussi forte et reconnue que la « communauté gay » est l’une des questions importantes qui se posent aujourd’hui.

La lesbophobie rampante visant à occulter, écarter, minorer l’Eros lesbien d’une présence effective dans la Cité est bien sûr une des raisons, mais elle ne suffit pas à expliquer pourquoi les lesbiennes continuent d’être écartelées entre les « groupes féministes » et la « communauté gay ».

La puissance des normes hétérosexuelles est une autre raison quand on voit que le militantisme homosexuel en est réduit à revendiquer le mariage, l’adoption et la maternité pour s’intégrer « à égalité » dans la Cité.

Pourquoi avons-nous des difficultés à assumer notre « différence ». A -t-elle même un sens aujourd’hui dans une société qui parle d’égalité tout en niant la pluralité des désirs et des « choix d’objet ».

La difficulté a établir des relations de solidarité (ce qu’on appelait la « sororité » dans les années 1970) entre « hétérosexuelles » et « homosexuelles » est-elle une des dimensions du problème. L’Eros lesbien fascine et fait peur car il est toujours un élément de marginalité sociale.

D’autre part, le « féminin » (objet du désir lesbien?) est tellement disqualifié aujourd’hui que les lesbiennes sont renvoyées au modèle masculin et au modèle gay sans pouvoir exprimer leur génie propre.

Comment changer la donne, telle sera notre propos au cours de cette rencontre.

Isabelle de Bourbon-Parme, « je meurs d’amour pour toi ». Lettres à l’archiduchesse Marie-Christine, 1741-1763, Édition établie par Élisabeth Badinter, Tallandier, 2008.

La publication des lettres d’Isabelle de Bourbon-Parme à sa belle sœur l’archiduchesse Marie-Christine est un événement important. Pas seulement parce que nous avons affaire à un écrit intime d’une « princesse philosophe », dont l’intelligence et l’ouverture d’esprit sont en soi dignes de notre intérêt. Mais parce qu’il s’agit de lettres d’amour à une femme, comme nous en avons peu d’exemple au XVIIIe siècle, et même après. Il se pourrait même que nous ayons affaire au premier écrit de cette espèce, car la comédienne Françoise Raucourt, réputée pour être une « prêtresse de Lesbos » n’a laissé aucun document de sa main, pas plus que ses compagnes censées appartenir à la « Loge de Lesbos » qui officiait dans le Paris de la fin d’Ancien Régime.
Nous sommes ici chez les « grands ». Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763) est la petite fille de Louis XV et de Philippe V d’Espagne et Marie-Christine (1742-1798) la sœur du futur empereur d’Autriche. C’est peu dire ! Cependant, Isabelle ne se fait aucune illusion sur son milieu en décrivant « le sort des princesses » en ces termes : « Esclave en naissant des préjugés du peuple, elle ne naît que pour se voir assujetties à ce fatras d’honneur, à ces étiquettes sans nombre attachées à la grandeur ».
Obligée d’épouser en 1760 le futur empereur Joseph II, Isabelle de Bourbon-Parme ne se sent pas à l’aise dans ce rôle de mère obligatoire, à qui l’on ne demande qu’une chose : mettre au monde un mâle, voire plusieurs. Hélas, ce sera une fille qui viendra en premier, puis des fausses couches, et à l’âge de vingt deux ans, la mort, à la suite d’une épidémie de variole.
Sa seule sphère de liberté sera son « amour fou » pour sa belle sœur Marie-Christine qu’elle rencontre en 1760 à son arrivée la cour de Vienne pour son mariage avec Joseph. Elles ne se quitteront plus jusqu’à la mort d’Isabelle trois ans plus tard ; vivant dans le même palais, se voyant selon les usages de l’étiquette et s’écrivant presque tous les jours des mots tendres où se met en place un échange amoureux que nous ne pouvons pas toujours décoder mais qui témoigne d’une intense passion partagée. Elle fait des rêves érotiques, lui donne des surnoms de la comédie italienne, termine ses lettres par des « Adieu, je vous baise » et badine volontiers sur le thème du baiser en écrivant par exemple : « ne croyez pas, chère sœur, être la seule à recevoir des baisers de l’Impératrice sur la bouche, je puis vous en offrir autant ».
La passion survient très vite. Dès le mois de mars 1761, elle s’écrie « Je suis amoureuse de toi comme une folle. Si je savais pourquoi ? Car ta cruauté est si grande qu’on ne devrait pas t’aimer ? Mais on ne peut s’en défendre lorsqu’on te connaît ».
Dans une longue préface très documentée, et indispensable à la mise en situation des lettres, Elisabeth Badinter se demande s’il s’agit d’une relation homosexuelle ou d’une « simple » amitié amoureuse. Question superflue ! Il suffit de lire les incroyables privautés qu’Isabelle se permet, dans le plus pure style mozartien, dont le langage scatologiste a surpris plus d’un puriste, pour comprendre qu’il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres. « Je baise ton petit cul d’archange », écrit-elle, ou « Je baise votre adorable cul en me gardant bien de vous offrir le mien qui est un peu foireux ».
Evidemment, on pourrait prendre ces mots pour une métaphore du désir amoureux à la mode du XVIIIe siècle. Mais enfin, soyons concrètes ! Nous sommes au siècle du libertinage et on ne voit pas pourquoi des princesses de sang serait plus « innocentes » que des roturières ! D’autant plus qu’Isabelle vit ici la seule et unique passion de sa courte vie, comme le remarque d’ailleurs Élisabeth Badinter. Ainsi, Isabelle prévient Marie-Christine, en allemand, dans une des dernières lettres, alors qu’elle est mourante :
« Je dois aussi t’avertir que l’Archiduchesse Isabeau mourra bientôt. Elle te le dit finalement car sa maladie va empirer. Elle va, comme on dit en français, « de mal en pis », et cette maladie est d’autant plus dangereuse que le seul moyen qu’il y aurait ne peut pas être utilisé. Elle meurt d’amour pour toi ».
Deux phrases plus loin elle ajoute en français : « À propos, le visage est un peu malade mais votre place favorite ne [l’est pas] ». Voilà qui ne trompe pas sur « la place » de cet amour, d’autant qu’Isabelle alterne le vous et le tu, à l’image de leur vie de cour où les relations officielles se vivent parallèlement à l’intimité la plus passionnée. Comme le regrette Élisabeth Badinter, nous aurions aimé, nous aussi, connaître les lettres de Marie-Christine. Nous n’avons hélas qu’une seule voix de ce duo d’amour du XVIIIe siècle. Mais quelle voix !

Publié dans Lesbia mag, octobre 2008.

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