Hommage à une grande famille de résistants de Norolles (14), la famille Galan-Fossey-Fleisch-Catherine

membre du réseau de résistance franco-polonais F2

Un rapport rédigé à la Libération sur le secteur Normandie du réseau F2 est signé de cette phrase énigmatique : « le chef responsable pour la liquidation définitive du secteur est Catherine Marcel (TEC) n°3060 à Norolles. »

Qui a entendu parler d’un réseau de résistance situé à Norolles ? Et qui connaît Marcel Catherine, époux d’Irène Fossey, elle aussi résistante, dont la sœur Suzanne habitait une ferme à Norolles avec son 2e mari Jules Fleisch ?

Aujourd’hui nous allons rendre hommage à une famille qui a joué un grand rôle dans la résistance à travers sa participation au réseau de résistance franco-polonais F2 de dimension nationale. Dix membres de la famille ont été impliqués dans la résistance.

Tout commence avec Suzanne Fossey, née à Esquay Notre-Dame en 1886. Elle est l’épicentre de la famille. Elle a épousé en première noce Maurice Galan avec qui elle a eu deux enfants, Georges et Odette Galan, nés respectivement en 1906 à Paris et en 1907 à Grainville-sur Odon, au sud de Caen, chez les parents de Suzanne. Elle habite alors Paris et vient s’installer à Norolles dans les années trente avec son second mari, Jules Fleisch, qu’elle a épousé en 1927.

Ce sont les deux enfants de Suzanne et Maurice Galan qui vont entraîner toute la famille dans le réseau de renseignements militaires F2 en y recrutant cinq autres membres de la famille.

Reprenons la chronologie.

Georges Galan, le fils aîné de Suzanne, entre au réseau en mars 1941, à Marseille précisément où il est arrivé après s’être évadé du camp de Bataville. Le sud de la France est alors zone non occupée et c’est dans les grands ports méditerranéens que le réseau F2 va être implanté par des officiers polonais vivant en exil depuis l’invasion allemande de leur patrie. Il s’agit de recueillir des renseignements maritimes pour les Alliés, et notamment les Britanniques qui continuent le combat contre l’armée hitlérienne. Mouvements des bateaux indispensables pour le contrôle de la Méditerranée. En août 1942, Georges Galan, dit Edwinia, est chargé de réorganiser le réseau Famille décapité à Paris par le contre espionnage allemand. Il est envoyé en Normandie par son chef Gilbert Foury (Edwin). Il vient à Norolles, chez sa mère, et contacte sa famille du Calvados pour créer un sous-réseau en Normandie et en Bretagne qui s’appellera secteur TEC.

Sa tante maternelle, Irène Fossey, la sœur de Suzanne, a épousé Marcel Catherine qui est assistant de radiologie à l’hôpital de Caen. Il connaît des agents de la SNCF susceptibles d’être recrutés. Marcel Catherine entre dans le réseau en juin 1942 comme chargé de mission 1ere classe. Irène son épouse est recrutée comme adjointe au chef du sous-secteur Normandie Tec avec le pseudo Canne. Elle chargée de mission 2e classe (homologuée lieutenant). Ils vont diriger le secteur TEC qui coiffe tout l’ouest de la France, y compris Cherbourg où 2 agents fournissent des renseignements essentiels sur les mouvements du port de Cherbourg et de l’Arsenal. Dans la foulée, leur fille Marcelle, née en 1922, est également recrutée en juin 1943 sous le pseudonyme de Mic. C’est elle qui assure le courrier Caen-Paris, les liaisons Caen-Saint-Lô, Caen-Lisieux, Caen-Argentant et Alençon.  Elle assure aussi le secrétariat du réseau. « En juin 1944, écrit Marcel Catherine dans son rapport final, le secteur Tec comprend 8 secteurs avec 8 chefs de secteur, 100 informateurs, un courrier Caen-Paris chaque semaine, une dactylo pour le rapport qui arrive au Central de Paris prêt à être expédié. » Ces rapports sont ensuite envoyés par radio à Londres où par la Suisse ou l’Espagne. Chaque source de renseignement est précédée d’un numéro attribué aux agents qui permet de les identifier.

A Norolles, Georges Galan recrute également son beau-père, Jules Fleisch qui entre au réseau en janvier 1943 sous le pseudonyme de Juna comme agent P2 chargé de mission 3e classe. Jules est un antiquaire, né à Paris en 1874, naturalisé français en 1930. Il est issu d’une famille juive allemande de nationalité anglaise. Il fait sienne les valeurs défendu par son pays d’adoption. Polyglotte, il parle couramment allemand ; Vieil homme âgé de près de 70 ans, il suscite peu de méfiance de la part des Allemands. On mesure l’intérêt d’un tel recrutement qui permet d’espionner les activités de l’armée ennemie, en particulier les sites de lancement de fusées V1 installés à Norolles, La Croupte, le bois de Roques, ces armes étant de terribles engins de destruction massive visant l’Angleterre.

Odette Galan, la belle-fille de Jules Fleisch et fille de Suzanne, est partie vivre à Nice après un second mariage en 1940 à Paris avec Paul Béraud. A Nice, elle fabrique des produits de beauté tout en s’engageant avec son mari dès mars 1942 dans le réseau F2 sous le pseudonyme de Reb, comme agent P2 chargée de mission 3e classe. Car à Nice, il y a un sous-réseau méditerranée dirigé par Léon Sliwinski (pseudo Jean Bol ; il est né à Moscou en 1913), puis par un couple extraordinaire Jacques Trolley de Prévaux et Charlotte (Lokta Leitner née à New York en 1907) qui prend la tête du secteur Anne en 1943 tandis que Paul Béraud dirige le secteur Nice jusqu’à son arrestation le 14 avril 1944 sur dénonciation. Odette est également arrêtée avec sa fille Arlette qu’elle a eue de son premier mariage avec Jacques Caperony. Arlette a seize ans et demi. Elle est libérée au bout de deux mois et sera recueillie par les voisins jusqu’à la libération de sa mère. En revanche Paul Béraud est fusillé à Châtillon d’Azergues le 19 juillet 1944 avec 51 autres détenus.

Arrêtée comme « complice de son mari et agent de l’ennemi », Odette est emprisonnée à Nice, puis à Marseille jusqu’au 19 mai, avant d’être conduite au camp de Romainville, antichambre de la déportation. Elle fait partie du convoi du 6 juin 1944 pour Ravensbrück où elle reste un mois avant d’être conduite à Leipzig, puis à Schlieben où elle travaille dans une cartoucherie 12h par jour, 6 jours sur 7.  Son commando est libéré par les Américains le 20 avril 1945.

Odette et sa fille Arlette ne sont pas les seules femmes de cette famille à avoir payé un lourd  tribut à la résistance. Soupçonnée de complicité avec un mari dont elle est séparée depuis 1939, Xénia Toutchapsky, épouse de Georges Galan, est arrêtée à Paris le 13 juillet 1944 par la Gestapo de la rue des Saussaies. C’est tout le secteur parisien du réseau F2 qui est décimé début juillet, en tout 26 agents, dont Jean Desbordes, chef du secteur Normandie dit Métro sous le pseudonyme de Duroc.

Xénia Toutchapsky est née à Petrograd en Russie en 1915. Ses parents ont émigré en France ; sa mère se suicide en 1931, son père est porté disparu. En 1932,  âgée de 16 ans,  elle épouse un voisin, Georges Galan qui habite chez sa mère 110 avenue Victor Hugo, à Paris. Ils auront trois enfants dont Émilienne leur fille unique qui meurt en 1946 à l’âge de 3 ans d’un grave accident domestique. Xénia ne voit pratiquement pas son mari sous l’occupation dont la boite aux lettres est localisée chez les frères Schreyer, des Suisses, habitant avenue Victor Hugo. Xénia est arrêtée « à la place de son mari », écrira Bernard Chaudé (pseudo Grégoire) à la Libération ; elle ne fait pas partie du réseau ; ce qui ne l’empêche pas d’être conduite rue des Saussaies, puis internée à Fresnes avant d’être déportée par le train du 15 août à Tab, Ravensbrück et Torgau d’où elle est libérée en 1945.

Ce que la Gestapo ne savait pas en juillet 1944, c’est que Georges Galan, son mari, avait quitté Paris en novembre 1943 sur ordre de ses chefs. Les Allemands le recherchaient déjà. Il part en Suisse où il est interné à Genève jusqu’en avril 1944. Il se rend alors clandestinement à Paris, se cache chez Wanda Carliez et reprend contact avec son oncle, Marcel Catherine pour l’informer des arrestations qui ont eu lieu dans la famille. Dans son rapport sur l’activité du secteur TEC, Marcel Catherine écrit : « En avril 44, 3 arrestations dans ma famille qui nous ont obligés à nous cacher. Nous avons continué malgré tout à assurer le service jusqu’au 2 juin date du dernier courrier. Après le débarquement, sans aucun moyen de transport, nous sommes venus à Paris en bicyclette, apportant des renseignements très importants sur les mouvements de troupes de la région de Caen et Lisieux et sur les effectifs de la région. Nous avons appris l’arrestation de Duroc et de plusieurs agents du service. Nous sommes repartis sans pouvoir communiquer ces renseignements. Coupés du service. Attends l’arrivée des alliés, revient à Paris, difficultés à retrouver le service. »

Marcel Catherine est donc au courant des arrestations de sa nièce et de son mari. La 3e personne arrêtée en avril est probablement Arlette. Mais la famille va être à nouveau frappée le 23 juin 1944, avec l’arrestation à Norolles de Jules Fleisch. Il est arrêté à 20h, chez lui en présence de Jules Le Boiteux, parce qu’il « Est aimable avec les Allemands pour obtenir des renseignements sur les mouvements des troupes et les communiquer à l’ennemi », est-il noté dans son dossier du SHD de Caen. La Wehrmacht est stationnée au château de Combray, tout à côté, et il a probablement été dénoncé. Jules est emmené au Château puis à la Feldgendarmerie de Lisieux et on retrouve sa trace le 28 juin à la prison d’Evreux. Et après, plus rien. On ne sait pas s’il a été envoyé au camp de Compiègne et mis dans un train pour la déportation à Dachau car on ne retrouve son nom sur aucune liste. Il a été déclaré Mort pour la France le 20 juin 1944 et son nom est inscrit dans l’église de Norolles et sur le monument aux morts du village.

En mai 1945, George Galan écrit dans son dossier de résistant : « Mon beau frère, mon beau père fusillés, ma femme et ma sœur déportées ».

Mais ce n’est pas tout. La sœur de Jules Fleisch, Alice, veuve Spire, a aussi été arrêtée le 27 juillet 1944 à Paris XVIIe. Déportée de Drancy par le convoi 77 du 31 juillet 1944, elle est décédée cinq jours plus tard à Auschwitz.

Et enfin, Jacques Caperony, gendre de Suzanne et premier mari d’Odette Galan, s’engage dans les Forces Françaises Libres en juillet 1940, à Londres. Il fera la campagne d’Italie et sera décoré de la Légion d’Honneur en 1948 au titre de direction régionale au matériel de la 3e région, c’est-à-dire la Normandie. Notons qu’il vit à Norolles dès 1936 avec Suzanne et Jules Fleisch.

Pour résumer le prix payé par toute cette famille à la libération de la France,

7 ont été homologués Forces Françaises Combattantes (FFC)

10 membres ont participé de près ou de loin à la Résistance.

1 s’est engagé dans les Forces Françaises libres à Londres

4 dont 3 femmes ont été déportés

Une sœur de résistant est morte en camp d’extermination

1 résistant est déclaré disparu en déportation

1 autre a été fusillé

2 sont « morts pour la France »

Le plus étonnant, c’est le silence qui a recouvert l’héroïsme de ces femmes et de ces hommes venus de Normandie et de l’étranger (la Pologne, l’Angleterre, l’Allemagne,  Russie),  c’est l’oubli qui a emporté cette famille, humble combattante de l’ombre dont la lutte a permis d’aider à libérer la France d’une idéologie immonde : la barbarie nazie. Son engagement dans la résistance n’a pratiquement pas été transmis. Les déportations de Xénia et Odette Galan, de Jules et Alice Fleisch, ont elles provoqué une volonté  de   protéger leurs proches en n’évoquant pas l’horreur des violences subies ? Le déménagement en Algérie pour Georges et Jeanne (sa 2e femme), et l’Afrique noire pour Odette et Arlette les a-t-il éloigné de ce passé à la fois si prestigieux et si douloureux ?

Soyons reconnaissants à cette famille de Norolles qui a participé à la résistance dans le plus grand secret, au point que la plupart d’entre eux n’ont guère été récompensé par la Nation. Il est temps aujourd’hui de leur rendre justice et de contribuer à une meilleure connaissance de leur action héroïque.

Georges Galan, Sous lieutenant – DGER- Croix de guerre à l’ordre du Corps d’armée FFC avec étoile Vermeil

Marcel Catherine, Croix de guerre  citation à l’ordre de l’armée (DGER), Croix de vaillance polonaise. Affecté au R6 Rouen janvier-mars 1945, Service d’accueil des prisonniers rapatriés

Irène Fossey épouse Catherine Adjointe au chef du sous secteur Normandie. Chef Edwin. Croix de guerre, citation à l’ordre du régiment avec étoile de bronze (10 avril 1945)

Marcelle Catherine, Croix de guerre avec étoile de bronze

Odette Galan-Béraud, Légion d’Honneur

Paul Béraud, « Mort pour la France »

Jacques Caperony, Chevalier de la Légion d’Honneur (1948)

Xénia Toutchapsky, Légion d’Honneur

Jules Fleisch, « mort pour la France »

Alice Fleisch

Arlette Caperony

Et bien sûr Suzanne Fossey- épouse Galan et Fleisch

La prison de Pont-L’Evêque sous l’occupation 1940-1944

Conférence à Pont-L’Eve^que le 3 mai 2022.

L’histoire de la prison de Pont-L’Evêque sous l’Occupation est restée aussi taboue que celle des internements de prisonniers pendant la bataille de Normandie. Pourtant, je savais par la mémoire familiale (famille Letac) que le docteur Grandrie y avait été interné après son arrestation par la police allemande le 9 décembre 1941. J’avais également découvert aux archives du Service Historique de la Défense (SHD) de Caen, la liste manuscrite des « Détenus par l’autorité allemande ». Mais personne ne voulait en entendre parler.

Mais la vérité fait son chemin.

Toni Mazzotti, petit fils d’un pontépiscopien qui avait caché des aviateurs alliés en 1943, a commencé des recherches et découvert qu’un grand nombre d’entre eux avaient été arrêtés lors du Débarquement et internés dans l’école de garçons. Certains ont été tués d’autres transférés en Allemagne. Toni Mazzotti est à l’initiative de deux plaques commémoratives. Une installée en 2018 à l’école de garçons en souvenir des soldats alliés emprisonnés rue Thouret (Ouest-France 24-8-2018) et une autre derrière le cinéma en 2019, avec la liste des 38 soldats morts pendant la bataille de Pont-L’Evêque. Il racontera ses recherches pour identifier les prisonniers de l’école.

D’autres enfants de Pont-L’Evêque ont voulu savoir. Des enfants porteurs de mémoire, comme Raymonde Virroy dont le père avait aussi secouru des parachutistes anglais le 6 juin 1944 (Ouest-France du 2-6-2021). La « Joyeuse prison » de Pont-L’Evêque ne peut plus occulter ce qui s’est passé avant.

Les recherches font apparaître l’importance de Pont-L’Evêque dans la politique allemande d’internement puisqu’on y dénombre près de 1.200 prisonniers. Près de 150 résistants à la prison sous l’Occupation et 1.000 résistants et aviateurs à l’école de garçons à partir du 6 juin 1944.

La liste des détenus par les Autorités Allemandes à la prison est datée à la fin du 20 août 1944, juste avant l’arrivée de l’armée alliée, de l’incendie de la ville et des combats pour la Libération. La liste a donc survécu à l’incendie et l’on peut supposer qu’il en est de même des archives.

Jean Desbordes- Les Forcenés

Jean Desbordes
Les Forcenés. Préface Marie-Jo Bonnet

Préface de Marie-Jo Bonnet :

« Messieurs, laissez-moi, vous allez me tuer ! » La mort de Jean Desbordes, alias Duroc

« Même le soleil a des taches. Votre cœur n’en a pas. Chaque jour vous me donnez ce spectacle : votre surprise d’apprendre que le mal existe. » Cocteau, Dédicace d’Opium à Jean Desbordes, 1930.

En février 1927, Jean Desbordes entre à l’hôtel de la Madeleine pour « prendre possession » de la chambre n°6 dans laquelle il va bientôt retrouver Cocteau pour une première nuit d’amour. Le fantôme de Radiguet est encore là et dans la lettre qu’il lui adresse, Desbordes commence par le rassurer en disant : « Je suis entré dans cette chambre davantage en pèlerin qu’en amant ». Il connaît la force du lien qui a unit Cocteau au disparu. Mais lui, Desbordes, est vivant. « J’ai voulu avant tout, en entrant, t’écrire et dire mon émotion avant mon amour », poursuit-il, avant de conclure sur cette note pleine d’espoir dans l’avenir : « La vie commence. Elle ne paraît que beauté, clarté, silence. Que le lit sera doux avec toi. Je t’attends et tu es dans mon cœur[1]. »

Desbordes a tout juste vingt ans. Né le 3 mai 1906 à Rupt en-Moselle dans une famille protestante, il a été élevé par sa mère et ses sœurs après la disparition de son père Eugène en 1920 des suites de la guerre de 1914. Il se cherche. Il a fait son service militaire tout à côté de la Madeleine, au Ministère de la Marine avenue Royale, où il occupait la fonction de matelot télégraphiste. Il a écrit à Cocteau pour lui parler de ses textes. Ce dernier lui répond le 6 juillet 1925, le lendemain de son anniversaire, date qui va devenir fatidique dans la vie de Desbordes, comme la Madeleine dont le nom ponctue mystérieusement  sa destinée.

Pour l’instant, « le marin » est un beau jeune homme, à la tête d’ange, comme en témoignent ses photos ou plus tard, celles de Jean Cocteau pour son film Le sang d’un poète. « Jean-Jean », le petit nom de Desbordes, est habillé en marquis Louis XV. Cocteau a pris fait et cause pour celui qui s’était présenté à lui comme un jeune écrivain. Le jeune homme souhaite s’élancer dans une carrière littéraire, encouragé par Cocteau qui lui a écrit « Dieu me donne une tache : Ton œuvre ». Il va partager la vie de Cocteau pendant sept ans et accepter toutes ses frasques. Yvon Belaval raconte qu’ils « se déguisaient en marins, couraient les bals populaires, stupéfiant les patrons des établissements par des pourboires excessifs[2]. » Années fécondes pour Desbordes qui démarre sa carrière en fanfare avec la publication en juin 1928 de son essai J’adore, aux éditions Grasset. Suivront Les Tragédiens, en 1931 toujours chez Grasset, et une pièce de théâtre La mue en 1935…… (suite dans Les Forcenés)


[1] Lettre inédite de Jean Desbordes à Jean Cocteau, datée de 1927, dactylographiée et signée au crayon. Archives Étienne Grannet-Desbordes que je remercie chaleureusement pour m’avoir si généreusement donné accès à la correspondance de son oncle Jean avec Cocteau et sa famille. Une édition de cette correcpondance inédite est en préparation.

[2] Yvon Belaval, « La rencontre avec Jean Cocteau », Cahiers Jean Cocteau, 3, NRF Gallimard, 1972, p. 75.

Inauguration des allées Andrée Jacob et Eveline Garnier square Louvois, Paris 2e

Andrée Jacob par Chériane

Je remercie la Mairie de Paris et particulièrement Catherine Vieu-Charier, adjointe à la Maire de Paris chargée de la mémoire et du monde combattant, ainsi que M. Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement, d’accueillir dans le square Louvois Andrée Jacob et Eveline Garnier, deux grandes actrices de notre histoire qui ont étonnamment disparu de notre mémoire collective.

Merci de faire acte de justice, non seulement pour l’histoire des femmes mais aussi pour l’histoire de la résistance en France, et plus spécialement de ce cher Paris où elles sont nées, ont vécu et ont travaillé toute leur vie. Savions-nous qu’Andrée Jacob est à l’origine des panneaux présentant les monuments et sites principaux de la capitale ?

Il faut dire qu’Andrée Jacob le connaissait bien, l’ayant arpenté dans tous les sens sous l’Occupation comme secrétaire de Claude Bourdet, qui était monté dans la capitale en juillet 1943 pour diriger le réseau Noyautage des Administrations Publiques (NAP).

Le fait qu’elles vivaient ensemble rue Rousselet dans le 7e arrondissement, et qu’elles se sont connues avant l’Occupation, dans le cercle de Jacques Maritain, l’oncle d’Eveline, y est pour quelque chose. Ce milieu de catholiques de gauche donnera naissance à Témoignage chrétien et au numéro spécial sur l’antisémitisme sorti en pleine occupation. Andrée Jacob est évidemment bien placée pour être alertée et organiser la résistance. Elle conduira ses parents en zone sud, dans la maison de Buissière ou habite la famille d’Eveline Garnier, ne portera jamais l’étoile jaune, et fabriquera des faux papiers pour les Juifs de son entourage. Ariane Lévery, présente parmi nous aujourd’hui, a pu bénéficier de ces papiers qui lui ont sauvé la vie, ainsi qu’à sa mère. Elle est d’ailleurs venue avec.

A partir de 1943, le travail s’intensifie. Il s’agit de préparer la libération en protégeant les membres de l’administration publique résistants. Sans ce travail incessant de ces chevilles ouvrières de la Résistance, il n’est pas certain que de Gaulle aurait pu s’appuyer de manière aussi confiante sur une administration épurée qui posera les fondement du nouvel Etat français.

Grâce à leur sang froid, quand un certain matin d’avril 1944, la Gestapo est venue frapper à leur porte, elles ne furent pas arrêtées et purent ainsi reprendre le flambeau de la direction du réseau Nap en juin 1944, à la suite des arrestations ses chefs. S’occuper de la logistique, de la gestion des fonds, de la récolte et distribution des quelques 600 lettres échangées quotidiennement entre les différents centres de décision de l’insurrection parisienne, sans oublier la protection des archives, cachées aux Archives nationales ou travaillait Jacqueline Chaumié.

Elles représentent l’armée invisible des femmes sans lesquelles la Résistance n’aurait pas été en mesure de préparer et réussir l’Insurrection parisienne.

© Jean-Georges Jaillot-Combelas

Puisque nous sommes en face de la Bibliothèque nationale, Rappelons l’acte de bravoure d’Andrée Jacob qui l’a libérée à la tête d’un peleton FFI et fait arrêter Bernard Faye au moment où il allait s’évader vers les Etats Unis avec des fichiers importants, comme elle le raconte dans son témoignage conservé aux Archives nationales.

Après la Libération, un autre travail tout aussi essentiel les attendait au ministère des Prisonniers, déportés et rapatriés, dresser un premier fichier des disparus, et participer à la Mission dirigée par l’historienne Olga Wormser sur l’identification, la localisation et la recherche des déportés de France. Elle participera aussi à la constitution de la documentation pour le film Nuit et brouillard d’Alain Resnay.

Il aura donc fallu 75 ans, pour que ce couple de pionnières du devoir de mémoire et de la valorisation du patrimoine, ce couple de femmes résistantes mystérieusement rayées de l’histoire en dépit de leur état de service prestigieux, soit enfin honorées par notre cité de Paris.

J’espère que les jeunes pourront désormais puiser auprès d’elles la force de résister à l’oppression sous toutes ses formes (politique, religieuse, technologique) pour participer au renouveau si nécessaire de notre monde. Marie-Jo Bonnet, 29 août 2019

« Echange des cultures et Génocides » Marseille -11-13 juillet 2018

Odette Abadi 1914-1999-Résistante juive, auteur de « Terre de détresse ».

Bonjour –  Je participe à l’Université d’été d’ARES – « Echange des cultures et Génocides » – Du 11 au 13 juillet 2018 à l’ESPE de Marseille, 63 La Canebière

Jeudi 12 JUILLET Sous la présidence de Gérald Attali, Inspecteur Pédagogique Régional d’histoire et géographie.

 

9H-10H30 Deuxième table ronde : les échanges dans les camps

Marie Jo Bonnet , historienne, L’amitié féminine à Birkenau : de la survie à la « sororité » citoyenne trans-familiale.

Renée Dray-Bensousan, historienne , Académie de Marseille, Les échanges culturels autour de la créativité des femmes dans les camps….

Nouvelles découvertes sur Violette Morris- Conférence à Beuzeville 21 octobre 2017

Normandie.fr

Beuzeville. L’assassinat de la « gestapiste » donne lieu à des questions concernant l’identité de la personne réellement visée.

Près de 80 personnes ont assisté dans la salle du conseil municipal de Beuzeville à la conférence-débat donnée par Marie-Jo Bonnet, auteur de Violette Morris, Histoire d’une scandaleuse (éditions Perrin, 2011) et Alain Corblin, spécialiste du maquis Surcouf, préfacier et commentateur du Journal de Puce alias Simone Sauteur. Le public est venu écouter les conférenciers donner leurs points de vue sur cet étonnant et intrigant personnage de la Seconde Guerre mondiale.

Éléments troublants

Marie-Jo Bonnet remet en cause dans son ouvrage la thèse de « la gestapiste exécutée par le maquis Surcouf », le 26 avril 1944, sur une route de campagne aux environs de Lieurey. Le corps de Violette Morris, celui de M. Bailleul (un boucher de Beuzeville) et ceux de quatre autres occupants de la voiture, dont deux jeunes enfants, avaient été retrouvés criblés de balles. Après une enquête détaillée et fouillée, Marie-Jo Bonnet avait apporté des éléments troublants mettant à mal certains écrits précédents. Dans les documents allemands retrouvés après guerre notamment, aucun ne mentionnait l’argent versé à Violette Morris, pratique plus que courante alors.

Le charcutier visé ?

Au fil de cette conférence, et notamment après les derniers éléments mis en lumière par Alain Corblin, documents à l’appui, l’hypothèse que ce fut le charcutier qui était visé prit de l’épaisseur, même si dans la salle, certains auditeurs ont fortement contesté cette version.

L’histoire fera débat quelque temps encore !

Marie-Thérèse AUFFRAY (1912-1990) Exposition à l’ Orangerie du Sénat 24 août – 4 septembre 2017

Marie-Thérèse Auffray-Autoportrait, 1958, col. privée
Marie-Thérèse Auffray-Autoportrait, 1958, col. privée

Exposition organisée par l’Association Marie-Thérèse Auffray.

C’est une grande chance qui nous est offerte ici de pouvoir redécouvrir l’œuvre de Marie-Thérèse Auffray. Elle fait partie de ces artistes singuliers qui ont secoué le sommeil du monde avec ce regard si particulier qu’elle jette sur les animaux, les fleurs et les gens.
On est donc ravi que le pouvoir agissant de sa peinture ait suscité le désir de fonder une association autour de son œuvre, d’organiser des expositions et de réaliser un catalogue, tout en étant étonné qu’elle soit restée dans l’ombre si longtemps.
Est-ce parce qu’elle a évolué hors des sentiers battus, développant un expressionnisme figuratif au moment où s’imposait en France l’abstraction ? Peut-être aussi a-t-elle pâti d’être une femme dans un milieu artistique largement dominé par les avant-gardes masculines. Et peut-être aussi s’est-elle volontairement mis à l’abri des diktats de tous ordre pour suivre son propre chemin de vie. Qui sait ? Nous sommes loin d’avoir percé tous ses mystères.

Une chose est frappante en tout cas dans cette aventure artistique si secrète, c’est la liberté avec laquelle elle est restée fidèle à elle-même. La mort de son père, à l’âge de huit ans, y est certainement pour quelque chose. Obligée de trouver appui en elle-même, elle a développé une indépendance d’esprit qui s’est exprimée dans sa vie comme dans son style, dans ses thèmes de prédilection et son regard sur le monde marqué par une conscience politique aigüe.
Est-ce la vision horrifiée des déportés de retour des camps qui a exacerbé chez elle cette sensibilité à la souffrance humaine. « Ceux qui n’ont pas senti leurs entrailles se déchirer en regardant passer les survivants des camps de concentration sont indignes de l’humanité », écrivait-elle en 1951.

Mais c’est peut-être aussi son homosexualité assumée dans un monde intolérant qui lui a donné ce regard implacable sur la comédie sociale qui rend ses portraits si décapants. Elle travaille la pâte comme elle travaille les consciences. Sans complaisance. Et sans illusion sur le milieu artistique des années cinquante si fermé aux femmes artistes. Avec le courage des résistantes et avec l’énergie d’une artiste authentique qui a misé sur la capacité de son œuvre a parler aux générations futures.

Marie-Jo Bonnet, préface au Catalogue de l’exposition en vente sur place (10 euros)

Petite Biographie féministe de Marie-Jo Bonnet

Petite biographie féministe de Marie-Jo Bonnet (ou Marie-Josèphe)

Docteur en Histoire, historienne d’art, écrivaine et conférencière. Je suis membre de la Société des Gens de Lettres et Centre Régional des Lettres de Basse Normandie.

Je suis née en 1949 à Deauville (Calvados). Ma mère était pianiste, professeur de piano et mon père électricien puis conducteur de travaux. J’ai deux frères. Je suis l’ainée.
J’ai passé les quinze premières années de ma vie en Normandie, dans la Pays d’Auge, à Pont-l’Evêque puis Lisieux et Orbec (en pension pendant l’adolescence). Mes parents ont déménagé dans la banlieue communiste (Val de Marne) trois ans avant mai 1968. Les « événements », vécus au lycée Romain Rolland d’Ivry en grève, ont suscité l’espoir de trouver une nouvelle place dans la Cité en révolte.
Quelque chose d’essentiel me manquait, cependant, et c’est en découvrant le Mouvement de Libération des femmes en février 1971 que ma vie a trouvé sa véritable orientation. Tout en poursuivant mes études (classes préparatoires à l’école Normale supérieure de Fontenay, licence d’histoire à Paris 1 La Sorbonne, maitrise à Paris VII-Jussieu puis thèse avec Michèle Perrot) je me suis engagée dans une vie militante très épanouissante.
J’ai participé à la fondation du Front Homosexuel d’Action révolutionnaire (FHAR) puis des Gouines Rouges (1971) et les Féministes Révolutionnaires fondées par Monique Wittig et Christine Delphy. Étant guitariste, j’ai fait partie du groupe musique de 1971 à 1973 qui a enregistré les chants du MLF. J’ai aussi vécu « en communauté », rue Blomet avec Evelyne Rochedereux.

1973, je fais partie de l’équipe du Torchon brûle n° 5. Participe à la rédaction d’un article sur les Féministes révolutionnaires et sur les Groupes de conscience.

1974, Je participe au numéro spécial des Temps modernes « Les femmes s’entêtent » sous la signature de Marxiejo.
J’enregistre deux chansons du MLF avec Aline Montels, « Discocanar n°3 ».

1974 je découvre l’association « La Spirale », fondée par Charlotte Calmis autour de la création artistique des femmes. Je participe au « groupe Sorcières » pendant 6 ans à travers méditations et écriture et je bénéficie d’une véritable initiation à l’art par Charlotte Calmis.

En 1975, je participe au groupe d’historiennes réuni par Simone de Beauvoir, et suis membre fondatrice du Groupe d’Études Féministes de l’université de Paris VII (où j’ai passé ma maitrise d’histoire en 1974).
Je participe aux revue Les femmes s’entêtent, Parole, Neuf. Continuer la lecture de Petite Biographie féministe de Marie-Jo Bonnet

Plaque en hommage aux résistants torturés par la Gestapo au 180, rue de la Pompe à Paris 16e

Jean Desbordes (1906-1944)
Jean Desbordes (1906-1944)
Lors de sa séance de septembre 2016, le Conseil de Paris a adopté la proposition présentée par Mme Catherine Vieu-Charier, Adjointe à la Maire de Paris à la mémoire et au monde combattant, d’apposer une plaque en hommage aux résistants torturés 180, rue de la Pompe à Paris 16e.
Le texte de la plaque est :
Maurice Loebenberg« Ici au 180 rue de la Pompe Entre mai et août 1944, plus de 300 résistantes et résistants de différents réseaux ont été interrogés dans cet immeuble et la plupart torturés parfois jusqu’à la mort par la police allemande et ses auxiliaires français. N’oublions pas leur combat ».

3 résistants sont morts sous la torture :
Jean Desbordes (1906-1944) du réseau polonais F2, Maurice Loebenberg (1916-1944) du Mouvement de Libération Nationale et de l’Organisation Juive de Combat et Wlodzimierz Kaczorowski (1892-1944) du réseau POWN-Monika.
Wlodzimierz Kaczorowski (1892-1944) Voici leur photo :
Pour en savoir plus, vous pouvez lire : Marie-Josèphe Bonnet, Tortionnaires, Truands et collabos, la bande de la rue de la Pompe- 1944. Edition Ouest-France, 2013.
et LE PATRIOTE RESISTANT de novembre 2016:
Patriote Résistant novembre 2016_p8

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