Lutetia, 1945 – Le retour des déportés
Exposition réalisée par la délégation de Paris des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. (AFMD 75)
Commissaire : Marie-Josèphe Bonnet, Présidente de l’AFMD 75 de 2013 à 2015
Coordinatrice : Catherine Breton Présidente de l’AFMD 75
Visite guidée de l’exposition le jeudi 15 avril au square Boucicaut…
par MJ Bonnet
Conférence à la mairie du Xe arrondissement, vendredi 24 avril à 17h.
Discours d’inauguration de l’exposition à la Mairie du Xe arrondissement, le 23 avril 2015 par la commissaire
Monsieur le Maire, Mme la présidente, Mesdames et messieurs, je vous remercie d’être venus inaugurer la première exposition historique sur l’accueil des déportés à l’Hôtel Lutetia au printemps 1945.
C’est un événement important de notre histoire à plus d’un titre.
D’abord parce que c’est le retour à la vie des survivants de la déportation. Comme le dira Gisèle Guillemot, « Notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens. »
L’accueil à l’hôtel Lutetia a été mis en place sous l’égide du ministère des Prisonniers de guerre, des Déportés et des rapatriés, dirigé par Henri Frenay, avec une équipe entièrement issue de la résistance, comme André Weil, Marcelle Bidault, le docteur Gallet, nommé médecin chef dès son retour de Buchenwald, ou Sabine Zlatin, appelée la Dame d’Izieu, à laquelle se sont associés de nombreuses associations et bénévoles.
Ce fut un lieu spécial, réservé aux Déportés, « Le palace des bagnards d’honneur » comme l’appellera un journaliste du journal Libres, organisé dans l’urgence, sous la pression du retour de près de 15.000 déportés qui seront accueillis dans cet immense hôtel pendant quatre mois, du 26 avril 1945 à la fin du mois d’août.
Nous aurions aimé commémorer cet événement dans l’hôtel Lutetia lui-même mais cela n’a pas été possible car l’hôtel est en travaux. C’est pourquoi, je remercie spécialement Monsieur le maire de nous avoir ouvert les portes de la mairie du Xe arrondissement, si proche de la gare de l’est, pour nous souvenir de cet événement qui fut un choc pour nos aînés.
Parce que c’est au Lutetia qu’ils ont pris conscience de l’ampleur de la tragédie de la déportation. Ampleur par le nombre « d’absents » qui ne reviendront pas, ampleur de l’extermination des Juifs et ampleur de la déshumanisation mise en oeuvre par les nazis.
Le bilan est terrible. 166000 déportés de France, parmi lesquels 76000 Juifs dont 11000 enfants.
48000 d’entre eux sont rapatriés en France, dont 3000 Juifs. D’après les estimations de l’historien Arnaud Boulligny, un tiers va passer par le Lutetia.
Le choc est terrible. Pour tout le monde.
« Cette foule anxieuse, nerveuse, à mille lieues de la dramatique réalité, était dure à affronter, car elle devenait, sans le vouloir, un reproche vivant aux survivants », dira Georges Wellers[1].
Louise Alcan : « … A l’hôtel Lutetia. En descendant tant bien que mal de l’autobus, nous sommes assaillies par des dizaines de personnes tenant des photos, petites ou grandes…
« Regardez… vous l’avez vu…vous l’avez peut-être connu, il était fort… il paraissait jeune pour son âge… d’où venez-vous… où étiez-vous ? » – Auschwitz-Birkenau.
Le silence s’établit. Il devient de plus en plus pesant comme si ces photos étaient de lourdes tombes de pierre... » Louise Alcan[2]
Le mur des photos installé au rez de chaussée est particulièrement bouleversant, comme l’écrit jacqueline Mesnil-Amar dans le Bulletin du Service central des Déportés Israélites (SCDI) :
« Il suffit de parcourir les couloirs du Lutetia pour voir 5 ou 6 anciens rayés au crânes rasés encore pâles et exténués qui circulent devant une immense galerie de photographies, des centaines et des centaines de photos accrochées aux murs. Tous ces visages d’absents perdus dans l’immense tourmente regardent de leurs yeux de jadis, de leurs yeux gais « d’avant », avec le sourire de la vie et de la jeunesse, photos de mariage ou de vacances, qui regardent de leurs pauvres yeux de papier si on va les reconnaître, si on les a vus une fois, si on va dire ce que l’on sait d’eux, dernier espoir, et c’est le symbole de cette guerre, ces rangées de photos de disparus devant lesquelles circulent quelques survivants. » Jacqueline Mesnil-Amar
Nous avons retracé ici l’histoire de ces quatre mois tout à fait extraordinaires. C’est une histoire poignante qui n’avait encore jamais été faite, mis à part le livre de Pierre Assouline. Il a fallu retrouver les archives dispersées dans différents centres, comprendre l’évolution de l’accueil, retrouver des témoignages et filmer les derniers témoins.
Nous avons voulu aussi parler de l’accueil des déportés étrangers, les enfants juifs du camp de Buchenwald, des résistants polonais arrêtés en France et des républicains espagnols faits prisonniers en 1940 et transférés à Mauthausen.
Nous présentons un panneau spécial sur Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, deux résistantes déportées à Ravensbrück qui entrent au Panthéon en mai 2015 et ont montré que « la coalition de l’amitié » pouvait être plus forte que la mort.
Est-ce l’intensité de ce qui a été vécu à l’hôtel Lutetia qui explique pourquoi beaucoup de temps a été nécessaire pour construire un regard d’historien sur cet événement ? Un événement en forme de choc de la conscience, difficile à intégrer et qui explique peut-être pourquoi si peu de photos on été prises. Une dizaine tout au plus, comme si cet événement échappait à la représentation, pour tracer dans nos cœurs et nos mémoires un chemin beaucoup plus profond, creusé à même la souffrance humaine.
Nous sommes à présent responsables de la transmission de cette histoire auprès des jeunes générations.
Avant de vous laisser regarder cette exposition, permettez-moi de remercier tous ceux qui ont participé à sa réalisation, en donnant des documents, des photos, de l’argent, du temps, des compétences historiques. C’est une œuvre collective que nous sommes fiers d’offrir à nos contemporains.
Je remercie spécialement les historiens qui ont participé à cette œuvre, Arnaud Boulligny, Eric Brossard, Vanina Brière et Pierre-Emmanuel Dufayel, Catherine Breton, ainsi que les Archives nationales, la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains de Caen (DAVCC), du Service historique de la défense, celles de l’Institut pasteur et tous ceux qui nous ont accordé la gratuité de l’utilisation des documents d’archive.
Merci, enfin, à la Fondation pour la Mémoire de la Déportation et aux Amis parisiens de la Fondation qui commémorent ici ce 70e anniversaire du retour des Déportés à la vie.
[1] Revue Yod, n° 21, 1985. Déporté à Auschwitz, le 30 juin 1944 (convoi n° 76).
[2] Louise Alcan, Sans armes et sans bagages, Imprimerie d’Art, Limoges, 1946.
Née en 1910, juive, déportée à Auschwitz le 3 février 1944 (convoi n°67)
Lutetia 1945, Présentation de l’exposition:
Pour de nombreux déportés, l’hôtel Lutetia a constitué un moment important de leur retour en France. Comme le dira Gisèle Guillemot, « Notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens. »
Pour la première fois, une exposition raconte l’histoire de ces quatre mois, du 26 avril à la fin du mois d’août 1945. A travers quinze panneaux, elle aborde les grandes questions posées par l’accueil des « revenants ». Comment le ministère des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés a-t-il fini par choisir un lieu d’accueil et de contrôle réservé aux Déportés ? Comment s’est faite la réquisition du Lutetia ?
Qui faisait partie de l’encadrement ? Comment se sont mises en place l’équipe médicale, l’hôtellerie, l’équipe de militaires chargés du contrôle des arrivants afin d’écarter les faux déportés. Sans oublier les nombreuses associations de résistants et les bénévoles qui se sont occupés de la logistique.
Le Lutetia, c’est aussi l’accueil des déportés étrangers, les enfants juifs du camp de Buchenwald, les résistants polonais arrêtés en France et les républicains espagnols faits prisonniers en 1940 et transférés à Mauthausen.
Si le Lutetia fut un lieu de retour à la vie, il fut aussi celui de la prise de conscience de l’ampleur de la tragédie par les familles et les amis venus, chaque jour, attendre leurs proches et chercher des nouvelles. Dès l’arrivée des premiers déportés, le 26 avril 1944, commence alors l’angoissante attente.
Le bilan est terrible. 166000 déportés de France, parmi lesquels 76000 Juifs dont 11000 enfants.
48000 d’entre eux sont rapatriés en France, dont 3000 Juifs. D’après les estimations de l’historien Arnaud Boulligny, un tiers va passer par le Lutetia.
L’exposition retrace aussi l’accueil par la Suède de déportées de Ravensbrück et la convalescence en Suisse de femmes libérées des camps.
Les centres d’accueil associatifs créés par d’anciens résistants et déportés, le Service Central des Déportés Israélites (SCDI), la Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP) et l’Association des Déportées et Internées de la Résistance (ADIR).
Nous présentons un panneau spécial sur Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, deux résistantes déportées à Ravensbrück qui entrent au Panthéon en 2015.
124 documents souvent inédits sont présentés (Archives nationales, Service Historique de la Défense, archives des associations de déportés, archives privées).
Chaque panneau est doté de flash codes qui permettent de visionner les entretiens vidéos réalisés par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation et par Guillaume Diamant-Berger.
Ces entretiens vidéos sont également visibles sur le site internet http://lutetia.info
La Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD)
Créée en 1990, reconnue d’utilité publique, la Fondation s’est fixée comme objectif fondamental de pérenniser la mémoire de l’internement et de la déportation.- 30, boulevard des Invalides – 75007 Paris www.fmd.asso.fr
Les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD)
L’association loi 1901 regroupe toutes les personnes morales et physiques qui souhaitent contribuer à la réalisation des objectifs de la Fondation 31, boulevard Saint-Germain – 75005 Paris www.afmd.asso.fr
Contact presse : Catherine Breton katherine.net@free.fr
Dates et lieux de présentation printemps 2015
14 avril au 16 avril les après midi 14h-18h : square Boucicaut (en face du Lutetia) 75006 Paris
– Le 14, en présence de Marie-Josèphe Bonnet, à 17h discours suivi du dépôt d’une gerbe par l’AFMD DT 75
– le 16, 15h: visite guide de l’exposition par MJ Bonnet
23 – 30 avril : Mairie du Xème arrondissement, 72 Rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris.
jeudi 23 avril : Inauguration officielle
15 h : présentation à la presse
17 h 30 : présentation des témoignages-vidéos
19 h : discours de M. Rémy Féraud, Maire et de Marie-Josèphe Bonnet,commissaire de l’exposition.
– 24 avril : 18h, Conférence de M.-J. Bonnet, Le retour des déportés.
02 – 09 mai : Mairie du IIIème arrondissement 2 Rue Eugène Spuller, 75003 Paris
– visite guidée de l’exposition par MJ Bonnet
15 – 20 mai : Fondation EDF, Espace Elecktra, 6 Rue Récamier, 75007 Paris
21 – 28 mai : Conseil Économique, Social et environnemental, Place d’Iéna 75016 Paris
27 mai, Journée de la Résistance, mairie du XIVe. 11h: Visite guide de l’exposition