Colloque international- 17-18 juin 2010- Organisé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost – Université Paris Diderot – Paris 7- Dalle les Olympiades – Immeuble Montréal – 105 rue de Tolbiac – 75013 Paris.
communication jeudi 17 juin à 15h de Marie-Jo Bonnet :
Violence symbolique, violence fantasmée, l’exemple de la « scandaleuse » Violette Morris (1893-1944).
La période de l’occupation est particulièrement riche pour penser la violence des femmes. Violence permise et violence défendue, où se situe la limite et quels sont les moments de renversement qui transforment une championne admirée en « femme à abattre » par la Résistance.
Violette Morris a ceci de particulier qu’elle cumule toutes les situations de violence tenues pour inhabituelles chez les femmes.
Elle pratique les sports violents comme la boxe et qui exigent de la force physique. Née à Paris en 1893, Violette Morris est une force de la nature qui s’illustre d’abord sur le Front comme estafette, puis dans les années 1920 dans l’athlétisme, la natation, le football féminin, le vélo, la course à moto et la course automobile. Elle remporte les titres olympiques du lancer du poids et du javelot et, fatiguée des compétitions réservées aux dames, se mesure aux hommes. Elle gagne le Bol d’or en 1927 devant les concurrents masculins, infligeant une blessure symbolique au « sexe fort ».
Sa deuxième caractéristique est d’être rejettée en 1928 de la Fédération Féminine Sportive de France sous prétexte qu’elle porte le pantalon et aime les femmes. Elle veut être libre, membre d’une élite sportive à une époque où le destin social de la femme se limite à la maternité. Elle perd son procès en 1930 au mépris de toute justice.
En 1929, pour motif sportif, elle se fait couper les seins, ce qui est conçu comme une mutilation de sa féminité. Elle devient un être unique, singulier, « hors norme ». Mais son statut social de femme lui dénie la liberté d’être elle-même et de vivre comme elle l’entend. Petit à petit cet être exceptionnel, petite fille du général Morris, le conquérant de l’Algérie, devient une exclue de la société. Elle n’y a plus sa place.
Troisième acte violent : elle tue un homme sur sa péniche avec une arme à feu, le lendemain de Noël 1937 parce qu’il la menaçait de la jeter dans la Seine. Acquittée pour légitime défense, elle n’en devient pas moins une femme dangereuse… Continuer la lecture de Violette Morris au Colloque PENSER la VIOLENCE des FEMMES
J’ai le plaisir de vous annoncer la sortie de mon livre:
Les voix de la Normandie combattante – Été 1944. Marie-Josèphe Bonnet, Éditions Ouest-France, 2010. ISBN : 978-2-7373-5079-5.
Voici réunis pour la première fois une soixantaine de documents inédits rédigés par des FFI, des résistants ou de simples témoins, sur leur action durant la bataille de Normandie. C’est une histoire bien différente de l’histoire officielle que nous racontent ces paysans, ces notables, artisans, mères de famille, instituteurs, gendarmes ou curés de village, telle qu’ils l’ont vécue de l’autre côté de la ligne de front, au cœur de la puissance ennemie et sous les bombes anglo-américaines. Pourquoi la résistance s’est-elle trouvée si désarmée à la veille de la libération ? Pourquoi a t-elle été ignorée si longtemps par les Alliés, quel est son rôle exact dans les opérations et surtout, comment a –t-elle pris en main son destin, c’est ce que nous racontent ces récits passionnants, animés tout à la fois par la fierté de combattre pour sa liberté, la peur et le chagrin devant les morts et les destructions. À travers les questions qu’ils soulèvent, on se rend compte que la Normandie ne fut pas seulement le territoire où s’est jouée la victoire militaire sur le nazisme. Elle est aussi un terrain d’affrontement politique entre les alliés anglo-américains et la France combattante du général de Gaulle qui lutte pour retrouver sa souveraineté et sa grandeur.
Marie-Josèphe Bonnet est originaire du Pays d’Auge. Docteur en histoire, historienne d’art, écrivaine et conférencière, sa thèse, « Les relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle » , a été plusieurs fois rééditée. Elle a publié récemment aux éditions de La Martinière « Les femmes dans l’art », et chez Odile Jacob « Les femmes artistes dans les avant-gardes ». Elle travaille actuellement sur la période de l’Occupation, tout en poursuivant ses recherches sur l’art et le féminisme.
J’avoue être plutôt consternée par la façon dont ce livre a été pensé et mis en forme. Car l’idée, à priori, aurait pu être intéressante si le choix des textes et la méthode de classement ne procédait d’un objectif hégémonique qui perturbe complètement le message officiel. Rassembler les « premiers textes » du Mouvement de Libération des femmes, quelle bonne idée ! Mais pourquoi l’avoir gâchée de cette manière là ? Une chronologie manipulée
D’abord, la notion de « textes premiers » implique une présentation chronologique dans la mesure où il s’agit de présenter les « premiers textes » du M. L. F. dans l’intention de prouver qu’il n’est pas né en 1968, comme l’affirme Antoinette Fouque, mais en 1970, comme le soutient le « collectif » qui signe l’ouvrage, à savoir Cathy Bernheim, Liliane Kandel, Françoise Picq et Nadja Ringart.
Or, ce qui pourrait être un argument recevable sur la datation de la naissance d’un mouvement par nature insaisissable, et ne souhaitant pas être saisi, comme veulent montrer le collectif en publiant une série de textes sur le fonctionnement interne du MLF, s’avère dès le départ une entourloupe. En effet, le premier texte paru sur la libération des femmes n’est pas « La réponse de quelques filles aux arguments présentés par l’oppresseur (le mercredi 4 juin 1970 – et non pas 1870), texte signé par « quelques militantes », mais bien celui de Monique Wittig, publié en mai 1970 dans « L’idiot International » n°6, sous le titre « Combat pour la libération de la femme». Continuer la lecture de MLF// Une édition des « Textes premiers » peu éclairante
Sur France Culture, « La fabrique de l’histoire », mardi 2 février 2010: La révolution des homosexuels, un documentaire d’Anaïs Kien, réalisé par Charlotte Roux.
Avec les témoignages d’Anne Querrien, François Paul-Boncour, Stéphane Courtois, Marie-Jo Bonnet et Alain Giry.
pour l’écouter: http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/fabriquenew/fiche.php?diffusion_id=81032
Les NOCES entre la PENSÉE et la VIE *
Marie-Jo BONNET
« Il faudrait fêter cet avènement d’une possibilité qui d’elle-même et de force s’inscrit dans la lutte des femmes, des noces entre la pensée et la vie. Ne pas résister à cette fusion est notre chance de participer activement à la mise en place d’une révolution humaine et irréversible ».
anonyme, Le Torchon Brûle n°0, 1970.
Les recherches sur les femmes, l’amour entre femmes et l’homosexualité sont nées dans le double contexte de dés-institution du savoir initié par Mai 68 et de l’extraordinaire bouillonnement culturel qui s’en est suivi. Sans la rupture avec le poids de la tradition universitaire, du mandarinat, des cours magistraux, et du cloisonnement des savoirs nous n’aurions jamais osé présenter des thèses universitaires sur ces sujets. Et sans l’émergence du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) et du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), l’Université n’aurait certainement jamais accepté que de tels sujets soient reconnus par l’establishment.
Ce n’est pas pour rien que les femmes du M.L.F. ont proclamé en 1970 « Libération des femmes, année zéro » . c’est sur cette table rase que nous avons pu édifier notre propre demeure en commençant par le commencement : se réapproprier son histoire, à la fois comme sujet, l’engagement politique a fait de nous des actrices de l’histoire, et comme objet de recherche. Dans une université qui occultait complètement l’histoire des femmes derrière la grande histoire, nous avons introduit le Deuxième Sexe, ses combats, sa vie, ses espoirs et son regard sur le monde.
Mais les obstacles ne se sont pas évanouis d’un coup de baguette magique. Après une phase d’investissement collectif de ce nouveau champ de connaissance, les résistances de l’institution ont ressurgi avec force, refoulant ces recherches dans une marginalité, voire un isolement dont nous sortons à peine.
C’est pourquoi mon parcours individuel constitue, avec le recul historique, l’exemple même des difficultés de cette recherche à s’imposer dans le champ commun des connaissances. Parce qu’elles dévoilent des tabous millénaires (l’amour de la femme pour la femme et le rapport des femmes à l’Esprit, au Logos) de tels sujets conduisent fatalement les chercheuses à développer en elles-mêmes ce pouvoir d’incarnation nécessaire à la visibilité des femmes dans la Cité. Continuer la lecture de Les NOCES entre la PENSÉE et la VIE
L’Affaire Guy Môquet. Enquête sur une mystification officielle« , de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Larousse, « A rebours », 160 p.
La lecture de l’enquête historique menée par Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre sur « L’affaire Guy Môquet » est absolument passionnante pour celles et ceux qui se sont posé des questions sur les motifs de l’héroïsation du « plus jeune fusillé de France ».
Le sous-titre nous donne déjà une réponse : « Enquête sur une mystification officielle ». De fait ! le portrait qu’ils ont dressé à partir d’une recherche rigoureuse dans les archives est très différent de celui qui a été exalté par le Parti communiste, d’abord, puis notre président de la république.
Guy Môquet était-il vraiment un résistant, se demandent les auteurs, c’est-à-dire un jeune homme combattant les intérêts allemands en France ? Continuer la lecture de Lecture de « L’Affaire Guy Môquet »