« De la CONDITION FÉMININE en MILIEU artistique

je participe à ce Film de Loïc Connansky sur Canal Plus projeté vendredi 30 octobre et en novembre….

avec également Annette Messager, Orlan, Alias Black Market, Camille Morineau, Catherine Bay, Sylvie Blocher, Véronique Hubert, Fabienne Audéoud, Yingmei Duan, Hsia-Fei Chang, Amandine Zaïdi, Régine Cirotteaun, Sophie Denissof, Lili Reynaud Dewar, Marina Abramovic.

SCULPTURE au FÉMININ : autour de Camille Claudel

À LIMOGES, vendredi 11 et samedi 12 septembre,
COLLOQUE à l’occasion de l’exposition « SCULPTURE AU FÉMININ AUTOUR de CAMILLE CLAULDEL« ,
à la Bibliothèque francophone Multimédia de Limoges .

Vendredi: Silke Schauder, Danièle Arnoux, Gérard Bouté, François Claudel.
Samedi: Marie-Jo Bonnet, Diane Watteau et Silvia Lippi.
Médiatrices Jeanne Fayard et Evelyne Artaud

Mon intervention aura lieu samedi sur le thème suivant:

A la conquête de la 4e dimension

En avance sur la révolution féministe des années 1970, les sculptrices nées dans la première moitié du XXè siècle, vont en quelque sorte montrer le chemin d’une nouvelle liberté dans l’espace. Chacune explore une direction nouvelle avec une inventivité remarquable qui marquera le siècle de leur présence créatrice. Germaine Richier, dans le domaine des analogies entre l’humain, le végétal et le minéral, Niki de Saint Phalle avec « Le pouvoir aux nanas » qui redonne toute signification au « vide » et à la joie créatrice, Louise Bourgeois, si proche de l’inconscient, et Marta Pan qui invente un monde flottant, dans le silence propice à la méditation
Quatre créatrices, quatre directions.

« L’art a-t-il un sexe? »

Interview de Ellen Salvi paru dans DS, juin 2009.

L’art a-t-il un sexe ?

M.J. Bonnet : L’art est point de vue sur le monde et ce point de vue est forcément sexué. Un même thème ne sera pas traité de la même façon par un homme et par une femme, comme je l’ai montré dans « Les femmes dans l’art ». Quand Niki de Saint Phalle donne le « pouvoir aux nanas » en réalisant Hon/Elle, une statue de femme monumentale, elle nous invite à entrer à l’intérieur, dans l’invisible. Courbet, en revanche avec L’Origine du monde nous transforme en voyeur de l’interdit. Les deux démarches sont intéressantes, mais très différentes.

Le milieu de l’art est-il sexiste ?

MJB : Ce n’est pas le milieu qui est sexiste, mais le pouvoir artistique, les institutions qui dictent les goûts, les valeurs, la validité d’une démarche. et marginalisent les femmes artistes qui ne sont pas dans le pot commun. Le Centre Pompidou est dirigé par des hommes qui ne prennent aucun risque. La collection compte 16% de femmes, dont 5% sont exposées en permanence En ce sens, elles@centrepompidou me semble rétrograde et vient trop tard. le Musée ne peut prétendre retracer une histoire de l’art du xxème siècle qui occulte des pans entiers de l’apport des femmes comme la tapisserie.

Peut-on dire de la nouvelle génération qu’elle s’est affranchie de ces clivages ?

MJB :Tant qu’il y aura des hommes et des femmes, les œuvres seront sexuées. Ce n’est pas cela qui est dérangeant, ce qui l’est, c’est l’hégémonie du modèle masculin.

Quand Charlotte CALMIS découvrait Séraphine en… 1976

La première fois que j’ai entendu le nom de Séraphine de Senlis c’était en 1976, par la bouche de Charlotte Calmis qui rentrait d’un voyage à Senlis avec sa photo, celle Uhde, et des photos de ses tableaux.
Bouleversée par cette rencontre avec une peinture tellement aboutie, Charlotte Calmis avait écrit un texte qui n’a jamais été publié en France, mais qui fut traduit en américain par Mary Guggenheim, alors en visite en France (« Séraphine de Senlis », by Charlotte Calmis, translated by Mary Guggenheim. Womanart / Winter 77-78, Vol. 2, n° 2).
Comme Séraphine est aujourd’hui reconnue par très large public, je trouve important de lui rendre justice en publiant son écrit pionnier. M.J. Bonnet

On découvre un certain matin du 31 janvier 1932, devant le kiosque de musique du cours Montmorency de Senlis, tout un déménagement étrange: tableaux, couverts, objets, tapis. Le coupable de ce forfait ? Une femme de ménage dite Séraphine Louis.
Elle vient mystérieusement en cette nuit « de se dépouiller de tous ses biens ! » Ils furent achetés avec « son passe temps favori », la peinture.
Séraphine Louis endosse une des dernières formes que cette société lui confère « figure légendaire atteinte de débilité mentale ». Dirigée aussitôt sur un asile elle y végète dans le silence une dizaine d’années, coupable d’avoir réveillé une des puissances énergétiques les plus mal connues de notre univers, les possibilités de création de l’espèce féminine.
Voici éclatés les secrets enfouis depuis des siècles de soumission, de passivité, de long silence. Tout est terminé dit-elle mystérieusement durant ses années de réclusion.
L’oeuvre de Séraphine est une mémoire mythique qui explore. La force créatrice vitale est si forte qu’elle surgira dans cette femme de 42 ans, qui n’avait jamais peint auparavant, toute armée, semble-t-il, de sa propre « technicité » dans l’art de peindre… mémoire mythique, répertoire d’avant partir du paradis.
Ses tableaux d’arbres sont l’ARBRE. Le feuillage est le ciel ; chaque feuille un regard ; d’étranges fruits inquiètent. Tout un archétype explose dans cette inspiration qu’elle écoute, qu’elle nomme, qu’elle décrit.
Oeuvre singulière où s’expérimente une nouvelle expérience du sacré. Des murmures de l’éternité montent « d’avant la grande culpabilité de la femme et du péché originel ».
L’Eden est à regagner et à retrouver l’arbre de la connaissance, aux frontières des rivages interdits, pour accéder à la parole déculpabilisée.
Matière picturale… Matière lourde… Frôlements, chuchotements, palpitations semblent réveiller en nous un monde de sensations endormies et amorphes. Un frémissement orgasmique, un frémissement mystique animent ces surfaces à deux dimensions. Le silence trouve son dialogue.

Charlotte CALMIS, 1977, inédit

SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Séraphine Louis fut « découverte » en 1912 par Wilhelm Uhde (le premier mari de Sonia Delaunay qui accepta un mariage blanc pour qu’elle puisse rester en France). Il l’employait à Senlis comme femme de ménage alors qu’elle peignait depuis quelques années déjà, sur les conseils de son ange gardien qui lui apparut un jour durant un office à la cathédrale, et lui dit de se mettre au dessin.
C’est dire comme le mystère de son talent reste entier puisque la beauté lui fut révélée sans intermédiaire, par l’imprégnation de la Cathédrale et de l’architecture médiévale de la ville de Senlis.
On observera d’ailleurs, en regardant la rosace méridionale de la cathédrale, comment des éléments de la structure architecturale réapparaissent dans certaines de ses oeuvres comme L’Arbre de vie (Senlis) ou Feuilles (musée Maillol, Paris). Séraphine n’est pas allée à l’école mais elle avait des yeux pour voir, pendant la messe par exemple, la beauté architecturale qui l’enveloppait. Continuer la lecture de SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

– « Du sans-valeur au sans-prix », Entretien avec Christine Jean, area revues, n°18 printemps 2009
– « Création, procréation, le processus créatif au féminin », Encyclopédie de la naissance, Albin Michel (à paraître en octobre 2009)
– « La reconnaissance des femmes artistes- Réflexions sur la transmission symbolique », Colloque de Cerisy-la-Salle (50), août 2008.
– « Séraphine Louis, dite de Senlis, un génie singulier », Lesbia mag n°285, novembre 2008.
– « Le féminisme m’a construite », Mai 68, l’héritage, Hors série Télérama, avril 2008.
– « Une vérité qui dérange », Conférence sur la Résistance et la collaboration en Pays d’Auge, L’Eveil de Lisieux, 9 avril 2008.
– « Simone de Beauvoir ou l’ambivalence d’une femme “normale” », Lesbia mag n° 277 et 278, mars et avril 2008.
– « Une mort très douce », n° spécial sur « La transmission Beauvoir, Les Temps Modernes, janvier-mars 2008, n°647-648..
« La Gallo-Romaine aux pinceaux », L’Histoire n° 329, mars 2008.
– « Camille Claudel, “suicidée de la société” ? Persée et la Méduse ou les conséquences dramatiques du clivage femme – artiste » Actes du colloque de Cerisy Regards croisés sur Camille Claudel, juillet 2006, Ed. L’Harmattan, 2008..
– « L’initiatrice », Revue des Lettres et de Traduction, Dossier – Le Nouvel ordre amoureux, Université de Kaslik (Liban), Faculté des Lettres, n°12-2006 Kaslik.
– « Âmes blessées, Lames blessantes, Autour de Paloma Navares et de “La jeune fille sans mains” », Actes du colloque « Corps de femmes en écritures », Toulouse, 1er juin 2006.
– « Art, utopies et féminismes sous le règne des avant-gardes », Colloque, Utopies féministes et expérimentations sociales urbaines, Tours, 8-9 mars 2006.
– « Déportation des lesbiennes… entre stigmatisation et tabou», Lesbia magazine, novembre 2005 et revue Treize, n° 63 printemps 2006, Montréal. Continuer la lecture de Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

Quelle place et quelle visibilité des femmes dans le champ de la création artistique

Quelques réflexions…

« – Voyez-vous l’art comme un monde d’hommes ?
– Louise Bourgeois : Oui, c’est un monde où les hommes et les femmes essaient de satisfaire le pouvoir des hommes.
Pensez-vous qu’il y a un style particulier ou une part de style qui soit propre aux femmes ?
– Louise Bourgeois : Pas encore. Avant que cela se produise, les femmes devront avoir oublié leur désir de satisfaire la structure du pouvoir mâle ». Questionnaire d’Alexis Rafael Krasolowsky, février 1971.

Le monde de l’égalité juridique entre les sexes dans lequel nous vivons aujourd’hui peut donner l’impression qu’il n’y a plus de problèmes et que l’artiste femme est intégrée au champ artistique commun. Continuer la lecture de Quelle place et quelle visibilité des femmes dans le champ de la création artistique

Café des Femmes – Souffles d’Elles

La dernière s »ance du Café des femmes s’est tenue le samedi 13 juin à la Galerie AREA 50 rue d’Hauteville 75010 Paris, à 17h.
Avec Christine Jean et Ola Abdallah.

Nous avons l’intention d’organiser de nouvelles séances dans d’autres galeries qui ont une attention particulière au travail des artistes femmes, hors des chemins battus.

La galerie Giafferi, 89bis rue de Charenton à Paris en fait partie.
En septembre, « ARTS MAGIQUES », à suivre…

Regard de Marie-Jo Bonnet sur My flower bed, de Yayoï KUSAMA, exposée à Beaubourg, à « elles » :

kusama - my flower bed
kusama - my flower bed

Il faut avoir vu l’exposition de Kusama à la Maison de la Culture du Japon, à Paris (2001), pour comprendre que My flower bed donne une très faible idée de « l’imaginaire délirant » de cette stupéfiante artiste japonaise. Délirant, car la répétition d’un motif obsessionnel comme les pois signe son enfermement dans un monde clos. Et stupéfiant car cet enfermement nous ouvre les portes d’un monde intérieur aussi vaste que les galaxies. comme le montre Infinity Morrored Room (1996). Love Forever, de 1996 (Consortium de Dijon), propose également des images qui semblent surgies de la physique des fluides vue au microscope et qu’elle construit par un simple jeu de miroirs.

La singularité de Kusama éclate doublement. Dans son rapport à la culture japonaise d’abord, elle est née en 1929 dans une famille riche mais avec une mère autoritaire et elle a reçu une éducation artistique classique fondée sur la peinture Nihonga; et dans son rapport à la culture hippie américaine des années 1960, à laquelle elle participe dès son arrivée à Seattle, d’abord, puis à New York en 1957, au tout début du mouvement. Ses performances féministes se doublent d’une passion pour la transgression puisqu’elle a pu présider le premier mariage d’hommes homosexuels jamais réalisé aux Etats Unis le 25 novembre 1968. Pour ce jour spécial, elle avait réalisé une robe de mariée à deux places pour l’heureux couple.

A partir de 1973, elle retourne au Japon et, à sa propre demande, réside dans un hôpital psychiatrique de Tokyo, où elle vit toujours sauf quand elle part en voyage pour ses expositions.

My flower bed date de son séjour aux Etats-Unis. L’on appréciera tout particulièrement la poésie de cette fleur composée de gants de coton rembourrés et peints en rouge, avec, à ses pieds, des ressorts de lits glissés dans des bas rouges. Photographiée par Hiro, cette œuvre fit la première page de la revue américaine Art voices, (New York, 1965). On y voit Kusama habillée tout en rouge, dormant sur les ressorts au pied de la fleur. Dans une interview du journal, elle expliquait la mise en scène:

« J’ai fait mon lit de fleurs spécialement pour y dormir. La nuit, je suis très seule et j’ai très peur. Le noir, qui symbolise la mort, l’anxiété et la maladie, m’entoure. Des monstres semblent me menacer. Des rôdeurs font des signes derrières la porte ou grattent aux volets. Dans mon atelier, mes sculptures paraissent bouger. Je prend un tranquillisant ou un somnifère – peut-être j’appelle mon psychiatre pour me rassurer […] Maintenant, je suis comme un insecte qui retourne à ses fleurs pendant la nuit ; les pétales se referment sur moi comme la matrice protège le fœtus. Comme moi, quand la nuit tombe, le lion rentre dans sa tanière, le renard dans son trou, les oiseaux dans leur nid. Jusqu’à ce que le jour se lève, les fleurs de My Flower Bed se balanceront dans la nuit, m’éventant et me caressant tendrement, car la nuit est le temps de l’amour et du sexe ».

L’accrochage, au milieu d’une accumulation d’Arman, de Bernard Réquichot, et du Cumul de Louise Bourgeois, mettait bien en valeur la démarche de cette génération d’artistes qui dénoncent la mort industrialisée.

Découverte, en France en 1986, avec une exposition personnelle au musée des Beaux-Arts de Calais et de Dôle, puis en 2000 au Consortium de Dijon, elle est aujourd’hui mondialement reconnue. Comme elle le disait : « Je souhaite explorer de nouvelles idées tout le temps. Les expositions sont pour moi les meilleures occasions de les présenter. Dans une exposition, je veux exprimer visuellement les idées qui germent continuellement dans mon esprit, que ce soit par des formes ou à travers des espaces. » (cité dans le catalogue 2001).