La notion de « génie » va permettre de redistribuer les cartes en faveur des hommes
À partir de la Révolution, le génie devient un fait de la nature, une composante de la virilité qui s’incarne dans une institution de l’État,
Pourquoi est-ce que l’homme-muse n’existe pas ? À cause de la domination symbolique masculine. Du fait qu’il gouverne la société, le masculin n’est pas un manque. Il est plutôt en excès, omnipotent et omniprésent. Le dieu créateur se laïcise tandis que les femmes sont empêchées de développer un féminin actif, différent et pluriel. L’homme reste le maître à l’ombre duquel les femmes s’expriment. Il est celui qui montre le chemin et prophétise l’avenir. Les femmes ne peuvent donc pas sortir de la problématique de l’imitation des modèles à l’intérieur de laquelle elles ont le droit de s’exprimer.
Le sublime. C’est ce souffle qui féconde la prophétesse, lui permettant de parler sous l’inspiration divine, c’est-à-dire à partir d’une autre source que le moi. À cette époque, les humains ne se prenaient pas pour des dieux et se méfiaient de toute démesure pouvant conduire à l’hubris, la démesure. Nous sommes ici dans le registre du pneumatique, de la fécondation par l’Esprit, dimension très ancienne du Sublime, que l’on retrouvera dans l’Évangile de Luc,
Le souffle divin sort par une brèche de la terre. Voilà une belle façon d’évoquer la faille par où jaillit l’énergie créatrice. Faille dans la symbolique féminine (la terre), faille préexistante à l’enfantement par le souffle divin. Si la terre, le corps féminin, le sujet femme n’était pas clivé, pourrait-il engendrer ?
la question demeure de savoir comment les hommes ont réussi si longtemps à faire croire aux femmes qu’elles n’étaient pas créatrices sous prétexte qu’elles mettaient les enfants au monde.
Après l’égalité, l’affirmation de l’individualité féminine dans la Cité, et de la constitution d’un nouveau principe d’autorité féminine
Nous avons besoin d’être également reconnues par les femmes pour nous développer, c’est-à-dire nous inscrire dans une filiation symbolique féminine. En effet, si nous maintenons la seule référence à la filiation paternelle, nous restons prisonnières de la lutte pour la reconnaissance où l’un est l’autre, c’est-à-dire où il n’y a qu’un seul référent, le masculin.
En réintroduisant la filiation féminine dans la genèse de la pratique artistique, on sort de la vision traditionnelle de la fabrication de l’œuvre d’art selon laquelle le féminin est le réceptacle du génie masculin, du sperme, de la force procréatrice du Père, selon une association étymologique entre gignere, procréer et génie. Cette association donnant lieu aux mots genèse, genesis, génération, qui montrent leur indéniable correspondance reposant sur la filiation spermatique, fondement du patriarcat.
Il s’agit de connaître ses dons et de les éprouver dans un « je peux » qui prend corps dans la Cité
Ce qui explique pourquoi le doute sur la capacité créatrice des femmes a survécu à tous les bouleversements politiques, économiques et sociaux, donnant ce caractère tragique et interminable à la lutte que mènent les femmes pour leur reconnaissance
Aujourd’hui, l’indignation est telle, qu’elle fonctionne comme une protection vis-à-vis d’autres femmes qui pourraient subir le même sort
Il n’en reste pas moins qu’un public féminin s’est constitué, capable d’imposer ses goûts et de jouer son rôle dans la dynamique de reconnaissance des artistes.
Penser de nouveaux mécanismes de reconnaissance symbolique qui ne soient pas dictés pas la marchandisation générale des échanges (la mondialisation), ni sur la reconnaissance conflictuelle issue de la dialectique du maître et de l’esclave sur laquelle le féminisme contemporain a largement fondé ses analyses de la domination hommes-femmes. Ils impliquent un rapport mutuel de réciprocité qui permette de sortir de l’unilatéralité du rapport institutionnel où l’artiste est placé(e) en demande de reconnaissance.