SCULPTURE au FÉMININ : autour de Camille Claudel

À LIMOGES, vendredi 11 et samedi 12 septembre,
COLLOQUE à l’occasion de l’exposition « SCULPTURE AU FÉMININ AUTOUR de CAMILLE CLAULDEL« ,
à la Bibliothèque francophone Multimédia de Limoges .

Vendredi: Silke Schauder, Danièle Arnoux, Gérard Bouté, François Claudel.
Samedi: Marie-Jo Bonnet, Diane Watteau et Silvia Lippi.
Médiatrices Jeanne Fayard et Evelyne Artaud

Mon intervention aura lieu samedi sur le thème suivant:

A la conquête de la 4e dimension

En avance sur la révolution féministe des années 1970, les sculptrices nées dans la première moitié du XXè siècle, vont en quelque sorte montrer le chemin d’une nouvelle liberté dans l’espace. Chacune explore une direction nouvelle avec une inventivité remarquable qui marquera le siècle de leur présence créatrice. Germaine Richier, dans le domaine des analogies entre l’humain, le végétal et le minéral, Niki de Saint Phalle avec « Le pouvoir aux nanas » qui redonne toute signification au « vide » et à la joie créatrice, Louise Bourgeois, si proche de l’inconscient, et Marta Pan qui invente un monde flottant, dans le silence propice à la méditation
Quatre créatrices, quatre directions.

SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Séraphine Louis fut « découverte » en 1912 par Wilhelm Uhde (le premier mari de Sonia Delaunay qui accepta un mariage blanc pour qu’elle puisse rester en France). Il l’employait à Senlis comme femme de ménage alors qu’elle peignait depuis quelques années déjà, sur les conseils de son ange gardien qui lui apparut un jour durant un office à la cathédrale, et lui dit de se mettre au dessin.
C’est dire comme le mystère de son talent reste entier puisque la beauté lui fut révélée sans intermédiaire, par l’imprégnation de la Cathédrale et de l’architecture médiévale de la ville de Senlis.
On observera d’ailleurs, en regardant la rosace méridionale de la cathédrale, comment des éléments de la structure architecturale réapparaissent dans certaines de ses oeuvres comme L’Arbre de vie (Senlis) ou Feuilles (musée Maillol, Paris). Séraphine n’est pas allée à l’école mais elle avait des yeux pour voir, pendant la messe par exemple, la beauté architecturale qui l’enveloppait. Continuer la lecture de SÉRAPHINE de SENLIS: Un génie singulier

Les GOUINES ROUGES (1971-1973)

Les Gouines rouges sont nées d’une volonté de s’affirmer au coeur d’un double mouvement de révolte des femmes et des homosexuels parce que les lesbiennes risquaient d’en disparaître prématurément.

C’était en avril 1971. Le Mouvement de Libération des Femmes existait depuis huit mois environ et les quelques trois cents femmes qui venaient régulièrement aux Assemblées Générales des Beaux-Arts lançaient une campagne pour l’avortement et le contraception libres et gratuits qui faisait beaucoup de bruit. Le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire avait été créé un mois auparavant, à l’initiative de militantes du M.L.F., et de quelques camarades de l’association Arcadie qu’elles connaissaient et qui en avaient assez du réformisme homophile de papa. « L’alliance entre les filles du M.L.F. et les pédés du F.H.A.R. » paraissait si évidente alors que personne n’a remis en question la mixité du F.H.A.R. Ils étaient comme nous victimes de la phallocratie, et comme nous voulaient la « libre disposition de notre corps ». Continuer la lecture de Les GOUINES ROUGES (1971-1973)

Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

– « Du sans-valeur au sans-prix », Entretien avec Christine Jean, area revues, n°18 printemps 2009
– « Création, procréation, le processus créatif au féminin », Encyclopédie de la naissance, Albin Michel (à paraître en octobre 2009)
– « La reconnaissance des femmes artistes- Réflexions sur la transmission symbolique », Colloque de Cerisy-la-Salle (50), août 2008.
– « Séraphine Louis, dite de Senlis, un génie singulier », Lesbia mag n°285, novembre 2008.
– « Le féminisme m’a construite », Mai 68, l’héritage, Hors série Télérama, avril 2008.
– « Une vérité qui dérange », Conférence sur la Résistance et la collaboration en Pays d’Auge, L’Eveil de Lisieux, 9 avril 2008.
– « Simone de Beauvoir ou l’ambivalence d’une femme “normale” », Lesbia mag n° 277 et 278, mars et avril 2008.
– « Une mort très douce », n° spécial sur « La transmission Beauvoir, Les Temps Modernes, janvier-mars 2008, n°647-648..
« La Gallo-Romaine aux pinceaux », L’Histoire n° 329, mars 2008.
– « Camille Claudel, “suicidée de la société” ? Persée et la Méduse ou les conséquences dramatiques du clivage femme – artiste » Actes du colloque de Cerisy Regards croisés sur Camille Claudel, juillet 2006, Ed. L’Harmattan, 2008..
– « L’initiatrice », Revue des Lettres et de Traduction, Dossier – Le Nouvel ordre amoureux, Université de Kaslik (Liban), Faculté des Lettres, n°12-2006 Kaslik.
– « Âmes blessées, Lames blessantes, Autour de Paloma Navares et de “La jeune fille sans mains” », Actes du colloque « Corps de femmes en écritures », Toulouse, 1er juin 2006.
– « Art, utopies et féminismes sous le règne des avant-gardes », Colloque, Utopies féministes et expérimentations sociales urbaines, Tours, 8-9 mars 2006.
– « Déportation des lesbiennes… entre stigmatisation et tabou», Lesbia magazine, novembre 2005 et revue Treize, n° 63 printemps 2006, Montréal. Continuer la lecture de Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980

Paris – San Francisco: Histoires parallèles- La première « Lesbienne et gay pride » à Paris

à lire dans LESBIA MAG de juin, en écho au film Harvey Milk, mon article comparant les mouvements de libération homosexuelle à San Francisco et Paris.
Avec deux photos de la manifestation du 27 juin 1977, à Paris, « contre la répression de l’homosexualité » et la campagne anti homo d’Anita Bryant.
Ici, photo de Anne-Marie Faure-Fraisse.

Manifestation à Paris contre la répression de l'homosexualité
Manifestation à Paris contre la répression de l'homosexualité

Ce qui me frappe d’abord, dans ce beau film racontant le combat des homosexuels à San Francisco, c’est de voir à quel point la lutte pour les droits civiques à San Francisco à été menée par les gays. Aucune femme à l’horizon jusqu’à l’apparition d’Anne Kronenberg qui entrera dans l’équipe de la campagne électorale en tant qu’attachée de presse. « Vous voulez bien d’une gouine », demande t-elle aux jeunes gens assemblés dans le magasin d’Harvey Milk pour préparer la campagne électorale. Oui ! mais est-ce vraiment ainsi que s’est passé son entrée dans le groupe gay ?

La mixité du FHAR

Pour moi qui ai vécu la révolte des homosexuel-le-s exactement à la même période (1971-1980), et même un peu avant puisque nous avons commencé l’année précédente, le film sur le mouvement gay de San Francisco est un grand sujet d’étonnement. En effet, s’il y a une réelle différence entre les deux villes, elle se situe d’abord là. En France, la révolte a été mixte dès le départ. Et je dirai même que ce sont des femmes, Anne-Marie Grélois et Françoise d’Eaubonne, qui l’ont lancée, jusqu’à ce que des garçons venus d’horizons différents se joignent à l’embryon de groupe qui se formait. Je citerai bien sûr l’extrême gauche avec Guy Hocquenghem qui faisait partie du groupe maoïste « Vive la Révolution » et devait avoir un rôle déterminant dans le démarrage du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) grâce à deux actes : la publication du numéro 12 de Tout, le 23 avril 1971 avec une double page entièrement consacrée aux homos, hommes et femmes. Et à son interview publiée en janvier 1972 dans le Nouvel Observateur où le beau jeune homme, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, parlait ouvertement de son homosexualité.

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Isabelle de Bourbon-Parme, « je meurs d’amour pour toi ». Lettres à l’archiduchesse Marie-Christine, 1741-1763, Édition établie par Élisabeth Badinter, Tallandier, 2008.

La publication des lettres d’Isabelle de Bourbon-Parme à sa belle sœur l’archiduchesse Marie-Christine est un événement important. Pas seulement parce que nous avons affaire à un écrit intime d’une « princesse philosophe », dont l’intelligence et l’ouverture d’esprit sont en soi dignes de notre intérêt. Mais parce qu’il s’agit de lettres d’amour à une femme, comme nous en avons peu d’exemple au XVIIIe siècle, et même après. Il se pourrait même que nous ayons affaire au premier écrit de cette espèce, car la comédienne Françoise Raucourt, réputée pour être une « prêtresse de Lesbos » n’a laissé aucun document de sa main, pas plus que ses compagnes censées appartenir à la « Loge de Lesbos » qui officiait dans le Paris de la fin d’Ancien Régime.
Nous sommes ici chez les « grands ». Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763) est la petite fille de Louis XV et de Philippe V d’Espagne et Marie-Christine (1742-1798) la sœur du futur empereur d’Autriche. C’est peu dire ! Cependant, Isabelle ne se fait aucune illusion sur son milieu en décrivant « le sort des princesses » en ces termes : « Esclave en naissant des préjugés du peuple, elle ne naît que pour se voir assujetties à ce fatras d’honneur, à ces étiquettes sans nombre attachées à la grandeur ».
Obligée d’épouser en 1760 le futur empereur Joseph II, Isabelle de Bourbon-Parme ne se sent pas à l’aise dans ce rôle de mère obligatoire, à qui l’on ne demande qu’une chose : mettre au monde un mâle, voire plusieurs. Hélas, ce sera une fille qui viendra en premier, puis des fausses couches, et à l’âge de vingt deux ans, la mort, à la suite d’une épidémie de variole.
Sa seule sphère de liberté sera son « amour fou » pour sa belle sœur Marie-Christine qu’elle rencontre en 1760 à son arrivée la cour de Vienne pour son mariage avec Joseph. Elles ne se quitteront plus jusqu’à la mort d’Isabelle trois ans plus tard ; vivant dans le même palais, se voyant selon les usages de l’étiquette et s’écrivant presque tous les jours des mots tendres où se met en place un échange amoureux que nous ne pouvons pas toujours décoder mais qui témoigne d’une intense passion partagée. Elle fait des rêves érotiques, lui donne des surnoms de la comédie italienne, termine ses lettres par des « Adieu, je vous baise » et badine volontiers sur le thème du baiser en écrivant par exemple : « ne croyez pas, chère sœur, être la seule à recevoir des baisers de l’Impératrice sur la bouche, je puis vous en offrir autant ».
La passion survient très vite. Dès le mois de mars 1761, elle s’écrie « Je suis amoureuse de toi comme une folle. Si je savais pourquoi ? Car ta cruauté est si grande qu’on ne devrait pas t’aimer ? Mais on ne peut s’en défendre lorsqu’on te connaît ».
Dans une longue préface très documentée, et indispensable à la mise en situation des lettres, Elisabeth Badinter se demande s’il s’agit d’une relation homosexuelle ou d’une « simple » amitié amoureuse. Question superflue ! Il suffit de lire les incroyables privautés qu’Isabelle se permet, dans le plus pure style mozartien, dont le langage scatologiste a surpris plus d’un puriste, pour comprendre qu’il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres. « Je baise ton petit cul d’archange », écrit-elle, ou « Je baise votre adorable cul en me gardant bien de vous offrir le mien qui est un peu foireux ».
Evidemment, on pourrait prendre ces mots pour une métaphore du désir amoureux à la mode du XVIIIe siècle. Mais enfin, soyons concrètes ! Nous sommes au siècle du libertinage et on ne voit pas pourquoi des princesses de sang serait plus « innocentes » que des roturières ! D’autant plus qu’Isabelle vit ici la seule et unique passion de sa courte vie, comme le remarque d’ailleurs Élisabeth Badinter. Ainsi, Isabelle prévient Marie-Christine, en allemand, dans une des dernières lettres, alors qu’elle est mourante :
« Je dois aussi t’avertir que l’Archiduchesse Isabeau mourra bientôt. Elle te le dit finalement car sa maladie va empirer. Elle va, comme on dit en français, « de mal en pis », et cette maladie est d’autant plus dangereuse que le seul moyen qu’il y aurait ne peut pas être utilisé. Elle meurt d’amour pour toi ».
Deux phrases plus loin elle ajoute en français : « À propos, le visage est un peu malade mais votre place favorite ne [l’est pas] ». Voilà qui ne trompe pas sur « la place » de cet amour, d’autant qu’Isabelle alterne le vous et le tu, à l’image de leur vie de cour où les relations officielles se vivent parallèlement à l’intimité la plus passionnée. Comme le regrette Élisabeth Badinter, nous aurions aimé, nous aussi, connaître les lettres de Marie-Christine. Nous n’avons hélas qu’une seule voix de ce duo d’amour du XVIIIe siècle. Mais quelle voix !

Publié dans Lesbia mag, octobre 2008.

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