Entretien avec Elise Thiébaut sur mon livre Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ?
Élise Thiébaut – Le désir lesbien n’est pas frappé d’un interdit religieux et profane dites-vous. Alors pourquoi est-il réprimé, pourquoi les féministes en ont peur et surtout, pourquoi la société le refoule-t-elle au point de le nier, de l’occulter ou d’en faire l’épouvantail de la libération des femmes ?
MJ Bonnet : Ce qui m’a frappé quand j’ai commencé mes recherches c’est de voir que les deux désirs maudits dans la Bible étaient le désir hétérosexuel féminin – et j’analyse l’épisode de la naissance d’Eve et sa punition dans Genèse – et le désir sodomitique (la pénétration anale). La question du désir féminin est donc à la base de la religion des patriarches et de notre culture judéo-chrétienne. Que désire Eve dans l’Eden ? Elle désire les fruits de l’arbre de la connaissance. Et comment Dieu la punie-t-elle d’avoir transgressé l’interdit de la connaissance ? En lui disant : « Ton désir se tournera vers l’homme et il dominera sur toi ». Autrement dit, la religion des patriarches s’impose sur celle des Déesses Mères de l’Antiquité par le biais du désir hétérosexuel féminin conçu comme instrument de domination par l’homme. Dans la Genèse, l’hétérosexualité et la maternité ne sont pas du tout appréhendés comme quelque chose de naturel, mais la conséquence d’une transgression. C’est extraordinaire. Continuer la lecture de Le désir homosexuel féminin est-il un fait naturel?
– « Du sans-valeur au sans-prix », Entretien avec Christine Jean, area revues, n°18 printemps 2009
– « Création, procréation, le processus créatif au féminin », Encyclopédie de la naissance, Albin Michel (à paraître en octobre 2009)
– « La reconnaissance des femmes artistes- Réflexions sur la transmission symbolique », Colloque de Cerisy-la-Salle (50), août 2008.
– « Séraphine Louis, dite de Senlis, un génie singulier », Lesbia mag n°285, novembre 2008.
– « Le féminisme m’a construite », Mai 68, l’héritage, Hors série Télérama, avril 2008.
– « Une vérité qui dérange », Conférence sur la Résistance et la collaboration en Pays d’Auge, L’Eveil de Lisieux, 9 avril 2008.
– « Simone de Beauvoir ou l’ambivalence d’une femme “normale” », Lesbia mag n° 277 et 278, mars et avril 2008.
– « Une mort très douce », n° spécial sur « La transmission Beauvoir, Les Temps Modernes, janvier-mars 2008, n°647-648..
– « La Gallo-Romaine aux pinceaux », L’Histoire n° 329, mars 2008.
– « Camille Claudel, “suicidée de la société” ? Persée et la Méduse ou les conséquences dramatiques du clivage femme – artiste » Actes du colloque de Cerisy Regards croisés sur Camille Claudel, juillet 2006, Ed. L’Harmattan, 2008..
– « L’initiatrice », Revue des Lettres et de Traduction, Dossier – Le Nouvel ordre amoureux, Université de Kaslik (Liban), Faculté des Lettres, n°12-2006 Kaslik.
– « Âmes blessées, Lames blessantes, Autour de Paloma Navares et de “La jeune fille sans mains” », Actes du colloque « Corps de femmes en écritures », Toulouse, 1er juin 2006.
– « Art, utopies et féminismes sous le règne des avant-gardes », Colloque, Utopies féministes et expérimentations sociales urbaines, Tours, 8-9 mars 2006.
– « Déportation des lesbiennes… entre stigmatisation et tabou», Lesbia magazine, novembre 2005 et revue Treize, n° 63 printemps 2006, Montréal. Continuer la lecture de Bibliographie de mes articles de 2009 à 1980
« – Voyez-vous l’art comme un monde d’hommes ?
– Louise Bourgeois : Oui, c’est un monde où les hommes et les femmes essaient de satisfaire le pouvoir des hommes.
– Pensez-vous qu’il y a un style particulier ou une part de style qui soit propre aux femmes ? – Louise Bourgeois : Pas encore. Avant que cela se produise, les femmes devront avoir oublié leur désir de satisfaire la structure du pouvoir mâle ». Questionnaire d’Alexis Rafael Krasolowsky, février 1971.
à lire dans LESBIA MAG de juin, en écho au film Harvey Milk, mon article comparant les mouvements de libération homosexuelle à San Francisco et Paris.
Avec deux photos de la manifestation du 27 juin 1977, à Paris, « contre la répression de l’homosexualité » et la campagne anti homo d’Anita Bryant.
Ici, photo de Anne-Marie Faure-Fraisse.
Ce qui me frappe d’abord, dans ce beau film racontant le combat des homosexuels à San Francisco, c’est de voir à quel point la lutte pour les droits civiques à San Francisco à été menée par les gays. Aucune femme à l’horizon jusqu’à l’apparition d’Anne Kronenberg qui entrera dans l’équipe de la campagne électorale en tant qu’attachée de presse. « Vous voulez bien d’une gouine », demande t-elle aux jeunes gens assemblés dans le magasin d’Harvey Milk pour préparer la campagne électorale. Oui ! mais est-ce vraiment ainsi que s’est passé son entrée dans le groupe gay ?
La mixité du FHAR
Pour moi qui ai vécu la révolte des homosexuel-le-s exactement à la même période (1971-1980), et même un peu avant puisque nous avons commencé l’année précédente, le film sur le mouvement gay de San Francisco est un grand sujet d’étonnement. En effet, s’il y a une réelle différence entre les deux villes, elle se situe d’abord là. En France, la révolte a été mixte dès le départ. Et je dirai même que ce sont des femmes, Anne-Marie Grélois et Françoise d’Eaubonne, qui l’ont lancée, jusqu’à ce que des garçons venus d’horizons différents se joignent à l’embryon de groupe qui se formait. Je citerai bien sûr l’extrême gauche avec Guy Hocquenghem qui faisait partie du groupe maoïste « Vive la Révolution » et devait avoir un rôle déterminant dans le démarrage du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) grâce à deux actes : la publication du numéro 12 de Tout, le 23 avril 1971 avec une double page entièrement consacrée aux homos, hommes et femmes. Et à son interview publiée en janvier 1972 dans le Nouvel Observateur où le beau jeune homme, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, parlait ouvertement de son homosexualité.
La dernière s »ance du Café des femmes s’est tenue le samedi 13 juin à la Galerie AREA 50 rue d’Hauteville 75010 Paris, à 17h.
Avec Christine Jean et Ola Abdallah.
Nous avons l’intention d’organiser de nouvelles séances dans d’autres galeries qui ont une attention particulière au travail des artistes femmes, hors des chemins battus.
La galerie Giafferi, 89bis rue de Charenton à Paris en fait partie.
En septembre, « ARTS MAGIQUES », à suivre…
MAISON des FEMMES de BORDEAUX, 27 cours Alsace Lorraine Bordeaux, tél: 05 56 51 30 95
Pourquoi les lesbiennes ne parviennent pas à édifier une « communauté » aussi forte et reconnue que la « communauté gay » est l’une des questions importantes qui se posent aujourd’hui.
La lesbophobie rampante visant à occulter, écarter, minorer l’Eros lesbien d’une présence effective dans la Cité est bien sûr une des raisons, mais elle ne suffit pas à expliquer pourquoi les lesbiennes continuent d’être écartelées entre les « groupes féministes » et la « communauté gay ».
La puissance des normes hétérosexuelles est une autre raison quand on voit que le militantisme homosexuel en est réduit à revendiquer le mariage, l’adoption et la maternité pour s’intégrer « à égalité » dans la Cité.
Pourquoi avons-nous des difficultés à assumer notre « différence ». A -t-elle même un sens aujourd’hui dans une société qui parle d’égalité tout en niant la pluralité des désirs et des « choix d’objet ».
La difficulté a établir des relations de solidarité (ce qu’on appelait la « sororité » dans les années 1970) entre « hétérosexuelles » et « homosexuelles » est-elle une des dimensions du problème. L’Eros lesbien fascine et fait peur car il est toujours un élément de marginalité sociale.
D’autre part, le « féminin » (objet du désir lesbien?) est tellement disqualifié aujourd’hui que les lesbiennes sont renvoyées au modèle masculin et au modèle gay sans pouvoir exprimer leur génie propre.
Comment changer la donne, telle sera notre propos au cours de cette rencontre.
La publication des lettres d’Isabelle de Bourbon-Parme à sa belle sœur l’archiduchesse Marie-Christine est un événement important. Pas seulement parce que nous avons affaire à un écrit intime d’une « princesse philosophe », dont l’intelligence et l’ouverture d’esprit sont en soi dignes de notre intérêt. Mais parce qu’il s’agit de lettres d’amour à une femme, comme nous en avons peu d’exemple au XVIIIe siècle, et même après. Il se pourrait même que nous ayons affaire au premier écrit de cette espèce, car la comédienne Françoise Raucourt, réputée pour être une « prêtresse de Lesbos » n’a laissé aucun document de sa main, pas plus que ses compagnes censées appartenir à la « Loge de Lesbos » qui officiait dans le Paris de la fin d’Ancien Régime.
Nous sommes ici chez les « grands ». Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763) est la petite fille de Louis XV et de Philippe V d’Espagne et Marie-Christine (1742-1798) la sœur du futur empereur d’Autriche. C’est peu dire ! Cependant, Isabelle ne se fait aucune illusion sur son milieu en décrivant « le sort des princesses » en ces termes : « Esclave en naissant des préjugés du peuple, elle ne naît que pour se voir assujetties à ce fatras d’honneur, à ces étiquettes sans nombre attachées à la grandeur ».
Obligée d’épouser en 1760 le futur empereur Joseph II, Isabelle de Bourbon-Parme ne se sent pas à l’aise dans ce rôle de mère obligatoire, à qui l’on ne demande qu’une chose : mettre au monde un mâle, voire plusieurs. Hélas, ce sera une fille qui viendra en premier, puis des fausses couches, et à l’âge de vingt deux ans, la mort, à la suite d’une épidémie de variole.
Sa seule sphère de liberté sera son « amour fou » pour sa belle sœur Marie-Christine qu’elle rencontre en 1760 à son arrivée la cour de Vienne pour son mariage avec Joseph. Elles ne se quitteront plus jusqu’à la mort d’Isabelle trois ans plus tard ; vivant dans le même palais, se voyant selon les usages de l’étiquette et s’écrivant presque tous les jours des mots tendres où se met en place un échange amoureux que nous ne pouvons pas toujours décoder mais qui témoigne d’une intense passion partagée. Elle fait des rêves érotiques, lui donne des surnoms de la comédie italienne, termine ses lettres par des « Adieu, je vous baise » et badine volontiers sur le thème du baiser en écrivant par exemple : « ne croyez pas, chère sœur, être la seule à recevoir des baisers de l’Impératrice sur la bouche, je puis vous en offrir autant ».
La passion survient très vite. Dès le mois de mars 1761, elle s’écrie « Je suis amoureuse de toi comme une folle. Si je savais pourquoi ? Car ta cruauté est si grande qu’on ne devrait pas t’aimer ? Mais on ne peut s’en défendre lorsqu’on te connaît ».
Dans une longue préface très documentée, et indispensable à la mise en situation des lettres, Elisabeth Badinter se demande s’il s’agit d’une relation homosexuelle ou d’une « simple » amitié amoureuse. Question superflue ! Il suffit de lire les incroyables privautés qu’Isabelle se permet, dans le plus pure style mozartien, dont le langage scatologiste a surpris plus d’un puriste, pour comprendre qu’il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres. « Je baise ton petit cul d’archange », écrit-elle, ou « Je baise votre adorable cul en me gardant bien de vous offrir le mien qui est un peu foireux ».
Evidemment, on pourrait prendre ces mots pour une métaphore du désir amoureux à la mode du XVIIIe siècle. Mais enfin, soyons concrètes ! Nous sommes au siècle du libertinage et on ne voit pas pourquoi des princesses de sang serait plus « innocentes » que des roturières ! D’autant plus qu’Isabelle vit ici la seule et unique passion de sa courte vie, comme le remarque d’ailleurs Élisabeth Badinter. Ainsi, Isabelle prévient Marie-Christine, en allemand, dans une des dernières lettres, alors qu’elle est mourante :
« Je dois aussi t’avertir que l’Archiduchesse Isabeau mourra bientôt. Elle te le dit finalement car sa maladie va empirer. Elle va, comme on dit en français, « de mal en pis », et cette maladie est d’autant plus dangereuse que le seul moyen qu’il y aurait ne peut pas être utilisé. Elle meurt d’amour pour toi ».
Deux phrases plus loin elle ajoute en français : « À propos, le visage est un peu malade mais votre place favorite ne [l’est pas] ». Voilà qui ne trompe pas sur « la place » de cet amour, d’autant qu’Isabelle alterne le vous et le tu, à l’image de leur vie de cour où les relations officielles se vivent parallèlement à l’intimité la plus passionnée. Comme le regrette Élisabeth Badinter, nous aurions aimé, nous aussi, connaître les lettres de Marie-Christine. Nous n’avons hélas qu’une seule voix de ce duo d’amour du XVIIIe siècle. Mais quelle voix !
Il faut avoir vu l’exposition de Kusama à la Maison de la Culture du Japon, à Paris (2001), pour comprendre que My flower bed donne une très faible idée de « l’imaginaire délirant » de cette stupéfiante artiste japonaise. Délirant, car la répétition d’un motif obsessionnel comme les pois signe son enfermement dans un monde clos. Et stupéfiant car cet enfermement nous ouvre les portes d’un monde intérieur aussi vaste que les galaxies. comme le montre Infinity Morrored Room (1996). Love Forever, de 1996 (Consortium de Dijon), propose également des images qui semblent surgies de la physique des fluides vue au microscope et qu’elle construit par un simple jeu de miroirs.
La singularité de Kusama éclate doublement. Dans son rapport à la culture japonaise d’abord, elle est née en 1929 dans une famille riche mais avec une mère autoritaire et elle a reçu une éducation artistique classique fondée sur la peinture Nihonga; et dans son rapport à la culture hippie américaine des années 1960, à laquelle elle participe dès son arrivée à Seattle, d’abord, puis à New York en 1957, au tout début du mouvement. Ses performances féministes se doublent d’une passion pour la transgression puisqu’elle a pu présider le premier mariage d’hommes homosexuels jamais réalisé aux Etats Unis le 25 novembre 1968. Pour ce jour spécial, elle avait réalisé une robe de mariée à deux places pour l’heureux couple.
A partir de 1973, elle retourne au Japon et, à sa propre demande, réside dans un hôpital psychiatrique de Tokyo, où elle vit toujours sauf quand elle part en voyage pour ses expositions.
My flower bed date de son séjour aux Etats-Unis. L’on appréciera tout particulièrement la poésie de cette fleur composée de gants de coton rembourrés et peints en rouge, avec, à ses pieds, des ressorts de lits glissés dans des bas rouges. Photographiée par Hiro, cette œuvre fit la première page de la revue américaine Art voices, (New York, 1965). On y voit Kusama habillée tout en rouge, dormant sur les ressorts au pied de la fleur. Dans une interview du journal, elle expliquait la mise en scène:
« J’ai fait mon lit de fleurs spécialement pour y dormir. La nuit, je suis très seule et j’ai très peur. Le noir, qui symbolise la mort, l’anxiété et la maladie, m’entoure. Des monstres semblent me menacer. Des rôdeurs font des signes derrières la porte ou grattent aux volets. Dans mon atelier, mes sculptures paraissent bouger. Je prend un tranquillisant ou un somnifère – peut-être j’appelle mon psychiatre pour me rassurer […] Maintenant, je suis comme un insecte qui retourne à ses fleurs pendant la nuit ; les pétales se referment sur moi comme la matrice protège le fœtus. Comme moi, quand la nuit tombe, le lion rentre dans sa tanière, le renard dans son trou, les oiseaux dans leur nid. Jusqu’à ce que le jour se lève, les fleurs de My Flower Bed se balanceront dans la nuit, m’éventant et me caressant tendrement, car la nuit est le temps de l’amour et du sexe ».
L’accrochage, au milieu d’une accumulation d’Arman, de Bernard Réquichot, et du Cumul de Louise Bourgeois, mettait bien en valeur la démarche de cette génération d’artistes qui dénoncent la mort industrialisée.
Découverte, en France en 1986, avec une exposition personnelle au musée des Beaux-Arts de Calais et de Dôle, puis en 2000 au Consortium de Dijon, elle est aujourd’hui mondialement reconnue. Comme elle le disait : « Je souhaite explorer de nouvelles idées tout le temps. Les expositions sont pour moi les meilleures occasions de les présenter. Dans une exposition, je veux exprimer visuellement les idées qui germent continuellement dans mon esprit, que ce soit par des formes ou à travers des espaces. » (cité dans le catalogue 2001).
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