Les NOCES entre la PENSÉE et la VIE

Les NOCES entre la PENSÉE et la VIE *
Marie-Jo BONNET

« Il faudrait fêter cet avènement d’une possibilité qui d’elle-même et de force s’inscrit dans la lutte des femmes, des noces entre la pensée et la vie. Ne pas résister à cette fusion est notre chance de participer activement à la mise en place d’une révolution humaine et irréversible ».
anonyme, Le Torchon Brûle n°0, 1970.

Les recherches sur les femmes, l’amour entre femmes et l’homosexualité sont nées dans le double contexte de dés-institution du savoir initié par Mai 68 et de l’extraordinaire bouillonnement culturel qui s’en est suivi. Sans la rupture avec le poids de la tradition universitaire, du mandarinat, des cours magistraux, et du cloisonnement des savoirs nous n’aurions jamais osé présenter des thèses universitaires sur ces sujets. Et sans l’émergence du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) et du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), l’Université n’aurait certainement jamais accepté que de tels sujets soient reconnus par l’establishment.
Ce n’est pas pour rien que les femmes du M.L.F. ont proclamé en 1970 « Libération des femmes, année zéro » . c’est sur cette table rase que nous avons pu édifier notre propre demeure en commençant par le commencement : se réapproprier son histoire, à la fois comme sujet, l’engagement politique a fait de nous des actrices de l’histoire, et comme objet de recherche. Dans une université qui occultait complètement l’histoire des femmes derrière la grande histoire, nous avons introduit le Deuxième Sexe, ses combats, sa vie, ses espoirs et son regard sur le monde.
Mais les obstacles ne se sont pas évanouis d’un coup de baguette magique. Après une phase d’investissement collectif de ce nouveau champ de connaissance, les résistances de l’institution ont ressurgi avec force, refoulant ces recherches dans une marginalité, voire un isolement dont nous sortons à peine.
C’est pourquoi mon parcours individuel constitue, avec le recul historique, l’exemple même des difficultés de cette recherche à s’imposer dans le champ commun des connaissances. Parce qu’elles dévoilent des tabous millénaires (l’amour de la femme pour la femme et le rapport des femmes à l’Esprit, au Logos) de tels sujets conduisent fatalement les chercheuses à développer en elles-mêmes ce pouvoir d’incarnation nécessaire à la visibilité des femmes dans la Cité.

A – L’essor de la subjectivité.

L’entrée des femmes dans l’histoire est donc l’élément fondateur de la recherche féministe et lesbienne dans le champ universitaire. Nous avons cessé d’être les étudiantes des faits héroïques masculins pour devenir les exploratrices de notre propre richesse. Tout renouvellement de la pensée se fait à partir de l’essor de la subjectivité. Et pour montrer à quel point cette vérité est valable à n’importe quelle époque, je rappellerai comment Christine de Pisan en vint à composer La Cité des Dames. Dans la première partie, elle raconte que la lecture d’un livre qui médit et « vitupère leur conduite » l’avait plongée si « profondément » dans de « sombres pensées » qu’elle en vint à se mépriser elle-même et le sexe féminin tout entier. C’est dans cet état d’abattement, de dépression mélancolique dirait-on aujourd’hui, qu’elle « vit soudain descendre sur son giron un rayon de lumière ». Trois Dames lui apparurent et lui dirent:
« Nous avons pris ton désarroi en pitié et voulons te retirer de cette ignorance; elle t’aveugle à tel point que tu rejettes ce que tu sais en toute certitude pour te rallier à une opinion que tu ne crois, que tu ne connais et ne fondes que sur l’accumulation des préjugés d’autrui (…) Ma chère enfant, qu’est devenu ton jugement ?(…) Nous venons t’annoncer la construction d’une Cité. C’est toi qui a été chargée de la construire… 2 «
Dans les années 1970, nous étions toutes un peu comme Christine de Pisan au sortir de ses sombres pensées et c’est armées de nos truelles, de nos pinceaux et de nos crayons, que nous avons commencé à édifier cette Cité des Dames dont nous ne soupçonnions pas à quel point elle nous avait manqué. L’engagement dans la vie de la Cité n’est-il pas une voie de guérison ?
L’époque se prêtait admirablement à ce processus. Soulevées par une dynamique anti-oedipienne que Gilles Deleuze et Félix Guattari (1972) ont analysée dans leur célèbre « L’Anti-Oedipe » – nous rompions les amarres avec les pères, le principe d’autorité, le mandarinat, la hiérarchie, tout ce qui pétrifiait l’esprit et avait tenu l’histoire des femmes hors de la forteresse universitaire.
Il y avait en outre l’appel de l’Orient, le psychédélisme, le « make love not war » et ce refus des sources uniques de savoir qui est probablement la marque indélébile de notre génération. Le militant américain Jerry Rubin écrivait : « Do It » . Nous l’avons fait au-delà de toute prévision. Nous avons pris en main notre propre émancipation.
La confrontation avec l’ordre symbolique oedipien structuré par la loi du Père et le signifiant maître du Phallus, comme dirait Lacan , nous a donc permis de prendre pied dans le territoire des pratiques symboliques jusque là interdites aux femmes. certes, on avait le droit d’aller à l’université, mais à condition de ne pas parler des femmes, de ne pas étudier leurs oeuvres et d’estampiller nos connaissances du sceau de la légitimité masculine en se réclamant de leurs diplômes, de leurs Maîtres et de leur Institution. Les choses ont-elles changé en vingt ans ? Je me le demande.
Grâce à la confiance reconquise nous avons donc investi un terrain neuf, celui de l’avènement du moi des femmes, ses potentialités, son histoire et ses moyens d’expression. Ce désir de connaissance en quête d’une incarnation était l’état d’esprit nécessaire à cette entreprise. Car il n’y a pas de recherche possible sur les femmes et l’homosexualité s’il n’y a pas accord avec soi-même et avec son être au monde. C’est cet accord intérieur qui nous permet de prendre des distances avec la société opprimante, de nous séparer d’elle en commençant à structurer une individualité dégagée des identifications familiales et sociales. C’est pourquoi la dimension spirituelle est si importante. Peut-être encore plus importante pour nous les homosexuel/les qui subissons l’opprobre, le rejet et la violence sociale. L’esprit est au-delà de la société et la recherche de la « vérité scientifique » exige que nous soyons au préalable en état de vérité avec nous-même. Quelqu’un qui joue un rôle dans la vie sociale, qui se cache, qui porte un masque ne peut aller bien loin dans la recherche. Car nous ne sommes pas dans le domaine des sciences dites « objectives »; comme les mathématiques, nous sommes dans celui des sciences humaines, domaine à haute densité idéologique où il est absolument nécessaire de savoir qui cherche, qui regarde et qui parle si on veut avoir une chance de trouver quelque chose. Là, plus qu’ailleurs, il faut savoir lire et interpréter ses sources avec ses propres yeux, avec un regard déculpabilisé et libre, capable de se poser des questions que d’autres n’ont pas su, ou pas voulu poser.
Combien d’historiens ont lu le Voyage en Italie de Montaigne sans voir qu’il relatait à deux reprises comment des homosexuels hommes et femmes s’étaient mariés entre eux, avaient été découverts, menés à la justice, condamnés à mort et exécutés 6 . On n’en continue pas moins de dire que l’homosexualité féminine a bénéficié de tolérance, jugeant ces faits quantitativement insignifiants.
C’est parce que je cherchais les lesbiennes dans l’histoire que je les ai trouvées.Mais je les ai cherchées d’une certaine manière, en me demandant notamment comment elles avaient été identifiées et qu’est-ce que cela signifiait, au XVIe siècle, de les nommer tribades plutôt que lesbiennes. Ce questionnement sur le langage m’a mené aux sources, et si je n’avais pas abordé la question sous l’angle identitaire, avec un certain regard, je n’aurais pas pu constituer l’amour entre femmes en objet historique. L’acte fondateur n’est pas tant de les avoir trouvées que d’avoir osé regarder des femmes que la société ne voulait pas voir ou qu’elle ne regardait que comme des femmes damnées ou des malades figées dans le refus du pénis.
La première condition de la recherche sur les lesbiennes est donc cette absence de rupture entre le sujet et l’objet, cette relation dynamique, cette co-naissance. C’est, en fait, ce que signifient pour moi les noces entre la pensée et la vie.
La non séparation du savoir et de l’expérience est une deuxième condition de possibilité de la recherche sur les femmes. Ainsi, j’ai pu participer, en 1975, au groupe d’historiens mis en place par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir pour préparer des émissions de télévision qui devaient avoir lieu sur « Sartre dans le siècle ». C’est dans ce groupe que j’ai découvert la bibliothèque Marguerite Durand, notre passé féministe; c’est là également que j’ai commencé à réfléchir à notre histoire.
La même année, les femmes de ce groupe ont créé avec d’autres enseignantes de l’université de Jussieu le Groupe d’Etudes Féministes (GEF) qui rassemblait des étudiantes (comme moi), des professeures d’histoire, d’anglais, de lettres, etc. (comme Michelle Perrot, Françoise Basch et Marcelle Marini), des chercheuses (Arlette Farge, Liliane Kandel) et des passionnées de culture sans autre distinction entre nous que l’appétit de connaissances. Du moins, je le croyais alors ! En tout cas, nous en étions toutes au même point, c’est à dire « année zéro ». Michelle Perrot, avec qui j’avais passé ma maîtrise d’histoire l’année précédente à Jussieu avec Béatrice Slama, commençait tout juste un séminaire autour de cette autre question hautement révélatrice : « les femmes ont-elles une histoire ? » C’est dire comme nous ne connaissions peu notre passé.
Pluridisciplinarité et décloisonnement des savoirs furent les autres principes fondateurs de la recherche sur les femmes. Historiennes, sociologues, littéraires, juristes et anglicistes, prenaient part aux réunions du G.E.F. justifiant l’ouverture de la revue Pénélope aux spécialistes d’autres domaines.
C’est dans ce contexte intellectuel que j’ai commencé, en 1975, ma thèse d’histoire sur les relations amoureuses entre les femmes du XVIe siècle au XXe. J’étais loin de me douter qu’il s’agissait d’une grande première universitaire qui ne se renouvellerait pas de sitôt. Si j’ai eu l’audace de me lancer dans cette aventure de la mémoire, c’est parce que je baignais dans un milieu culturel, intellectuel et militant extraordinairement formateur dans lequel je côtoyais des femmes aussi différentes que la philosophe Simone de Beauvoir, la comédienne Delphine Seyrig, la peintre et poète Charlotte Calmis, les écrivaines Christiane Rochefort et Monique Wittig, l’avocate Gisèle Halimi, et tant d’autres femmes remarquables. Le MLF était alors un bouillon de culture d’une fécondité étonnante. Le savoir universitaire en prise directe sur la société et le débat d’idées, fut donc durant ces « noces » un moyen de connaissance de soi et un instrument de transformation sociale.
Paradoxalement, ce qui m’a le plus aidée dans mon travail historique ce ne sont pas les réunions du G.E.F. mais celles du groupe de la Spirale qui avaient lieu une fois par semaine chez la peintre Charlotte Calmis. Avec une dizaine de femmes nous faisions un travail de connaissance de soi et de notre identité de femmes à travers la méditation et l’écriture. Ce travail collectif avec cette femme qui avait mis au point une méthode pour les femmes, m’a structurée dans mes propres questions grâce à l’écoute que j’y ai trouvée et aux préoccupations qui l’animaient, plutôt d’ordre créatrices et spirituelles que sociales. A la Spirale j’ai été reconnue, respectée, aidée. Je suis extrêmement reconnaissante à Charlotte Calmis (maintenant décédée – 1982) qui nous a si généreusement donné de son temps et de son intelligence créatrice pendant huit années.
En mars 1979, j’ai soutenu ma thèse à l’université de Paris VII. Je n’offenserai pas Michelle Perrot en disant, toutefois, que j’ai travaillé seule. L’establishment des historien.ne.s ne s’est en effet que très exceptionnellement intéressé aux relations amoureuses entre les femmes. Si j’ai pu exposer l’état de mes recherches lors d’une ou deux réunions du G.E.F. dans un silence intéressé, c’est surtout avec Michel Rey, qui terminait sa maîtrise sur les sodomites parisiens au XVIIIe siècle, que j’ai pu avoir les premiers échanges historiques sur le sujet.

B – L’ouverture sur le monde – les premiers colloques internationaux

Le grand apport du G.E.F., en ce qui me concerne, fut l’ouverture sur l’étranger. Ouverture vitale puisque j’étais la seule spécialiste française de l’histoire des lesbiennes, mais ouverture qui s’est heurtée très vite à une logique d’institutionnalisation qui en a limité les effets. La dynamique intersubjective et pluridisciplinaire dans laquelle nous avions été jusqu- là, étant écartée au profit d’une logique de carrière individuelle.
Les première rencontres européano-américaines se sont déroulées sur trois ans, de 1979 à 1982 au Moulin d’Andé puis la dernière année dans l’état de New York, à l’initiative de quelques chercheuses américaines dont Caroll Smith-Rosenberg, professeur associée à l’université de Pennsylvanie et Judith Friedlander. Elles ont aussi été facilitées par le fait que plusieurs Françaises avaient des liaisons amoureuses avec des Américaines, ce qui donnait à ces rencontres une aura particulière qui marqua l’essor de la recherche. C’est Françoise Basch qui m’a introduite dans ce groupe, bien que je n’avais pas de statut institutionnel. Le fait que je vienne de passer ma thèse me donnait, malgré tout, une certaine légitimité. La première année au Moulin d’Andé (près de Rouen), j’ai rencontré des historiennes d’autres pays qui travaillaient sur l’histoire des lesbiennes comme l’Allemande Gudrun Schwarz et la Hollandaise Mieke Aerts. Je connaissais déjà Esther Newton, qui venait souvent à Paris et avec qui nous avions des discutions passionnées sur le couple Gertrude Stein – Alice Toklas. Puis j’ai rencontré la dernière année Judith Friedlander, Martha Vicinus et Claudia Koonz qui travaillaient sur l’histoire des femmes tout en étant concernées par mes recherches. A l’époque, nous étions trois ou quatre seulement à travailler sur l’histoire des lesbiennes. les premiers contacts se passant à attester de notre existence.
Les trois colloques se situaient dans des lieux magnifiques où nous habitions pendant trois jours, ce qui donnait une atmosphère très particulière avec le mélange de réflexion collective et de vie commune entre femmes hétérosexuelles et homosexuelles si caractéristique de cette époque. Le soir, nous dansions par exemple. les Américaines enseignaient toutes à l’université. En Europe, la situation était plus difficile. Il y avait deux catégories : nos aînées qui avaient déjà un poste avant le M.L.F., et la génération de mai 68 qui avait terminé ses études et entrait tout juste à l’université, au CNRS, ou; comme moi, voulait faire de la recherche hors institution. C’est surtout la dernière année à New York, à Shaker Mill Farm, exactement, que j’ai senti les tensions entre ces trois situations. En fait, j’aurais du m’apercevoir beaucoup plus tôt que l’histoire des femmes devenait un enjeu institutionnel pour celles qui étaient insérées dans l’université et la recherche. par exemple; un livre collectif avait été publié en 1979 intitulé « L’Histoire sans qualité » qui écartait déjà l’homosexualité féminine du champ historique sans qu’un débat préalable (au GEF par exemple) ait eu lieu. Il se constituait déjà des réseaux entre historiennes ayant fait des choix de carrière universitaire, dont j’étais exclue de facto. N’étant pas une « héritière », c’est à dire ne connaissant pas le milieu universitaire ni son fonctionnement, je n’étais pas armée pour repérer les stratégies de pouvoir.
C’est donc à Shaker Mill Farm que ces types de stratégies se sont dévoilées du fait que la gauche venait d’arriver au pouvoir, ouvrant la voie à une institutionnalisation possible des études féministes, impensable sous Giscard. De plus, nous les Françaises, étions fascinées par l’incroyable dynamisme des Women’s studies aux Etats Unis. Cela ne pouvait que débrider les ambitions. Et c’est ainsi que j’ai assisté à mon étiquetage comme lesbienne.
Croyant me faire plaisir, on m’avait logée dans le local des « Lesbian Herstory Archives » , intention louable il est vrai, mais qui me coupa des chercheuses dites « féministes » et dites hétérosexuelles. Sans l’accueil chaleureux de Joan Nestle et sa compagne Deborah Edel qui dirigeaient les Archives qu’elles abritaient dans leur appartement, je n’aurais peut-être pas mesuré à quel point lesbiennes et féministes américaines étaient territorialisées dans des espaces sans communication, chose que je ne connaissais pas au M.L.F. où lesbiennes et hétérosexuelles coexistaient dans un mélange explosif, peut-être, mais vivant.
De plus, j’avais écrit pour le colloque un texte intitulé « Adieux à l’histoire » qui fut jugé inclassable par les organisatrices parce qu’il abordait le problème général des sources féminines de l’histoire : si les femmes se sont tues dans le passé, ne laissant que très peu de traces, quel type d’histoire pouvons-nous faire ? Ce texte fut discuté en séance plénière et suscita l’opposition farouche des historiennes institutionnalisées comme Carroll Smith-Rosenberg, tandis que l’anthropologue Judith Friedlander le trouvait intéressant parce qu’il abordait des questions qu’elle se posait pour l’histoire des Juifs. Chez les Françaises, l’accueil fut très mitigé et l’on m’en voulut de me singulariser de la sorte alors que la question était d’être publiées aux Etats Unis. Je fus alors tranquillement marginalisée par mes compagnes parce que j’obéissais apparemment, à d’autres motivations que les leurs (écrire et non enseigner).
Cette expérience aux Etats Unis me fit comprendre que j’étais menacée d’un double isolement : en tant que lesbienne et féministe spécialiste de l’histoire de l’amour entre femmes ; en tant que chercheuse hors institution, qui serait sacrifiée à plus au moins long terme au processus d’institutionnalisation des études féministes. La préparation du colloque de Toulouse, Femmes, Féminisme, Recherche, m’en donna la preuve peu après car en dépit des déclarations de principes favorables à la recherche hors institution, il semblait évident qu’aucune universitaire n’était prête à se battre pour la faire exister. Il fallait s’intégrer ou disparaître. Le jeu se resserrait complètement sur l’institution car la publication de ma thèse en avril 1981 – dans la célèbre collection « Femmes » des éditions Denoël-Gonthier fondée par Colette Audry et dirigée alors par Danièle Rosadoni – ne comptait pratiquement pas, comme le démontrèrent les universitaires et chercheuses féministes qui ne firent presque pas écho de mon livre dans la presse féministe. En France, on ne fait pas carrière avec une thèse sur l’homosexualité. Déjà, la plupart des chercheuses féministes universitaires acceptaient l’idée de se conformer aux exigences de l’institution pour se faire reconnaître. D’autres colloques internationaux auxquels j’ai participé (Amsterdam en 1983, Vienne et Genève en 1984) , n’eurent aucune incidence sur la visibilité de mes recherches en France.
Inconsciente des rapports de force et des enjeux institutionnels, je continuais à défendre la liberté de pensée et l’autonomie de la recherche dans les séminaires et groupes de réflexion. A 30 ans je ne souhaitais pas devenir la spécialiste universitaire de l’histoire des lesbiennes, ni m’inscrire dans des rapports maître / élève qui ne me concernaient pas. J’avais déjà commencé mes recherches sur la création des femmes, en réalisant entre autres choses, deux ans auparavant, le numéro trois de la revue Pénélope 12. Ce que je ne comprenais pas alors, c’est que je n’étais pas armée pour combattre l’homophobie larvée, insidieuse et dissolvante dont j’étais l’objet. Il se trouve que Charlotte Calmis mourut un mois avant le colloque de Toulouse. Je décidais donc de ne pas y aller, pensant que d’autres étudiantes prendraient le relais de la recherche sur l’Eros lesbien avec Michelle Perrot, car il y avait encore beaucoup à faire. Michelle Perrot ne s’était-elle pas réjouie, lors de ma soutenance de thèse, de ce que mon travail « ouvrait des plages de liberté dans l’université », laissant supposer qu’elle soutiendrait d’autres travaux historiques sur le sujet.
Cette ouverture ne dura pas longtemps car personne ne prit le relais13. Comme l’écrira Elisabeth Badinter en 1996 dans son compte rendu de la réédition de mon livre chez Odile Jacob :
« En le découvrant à l’époque, j’avais eu la conviction qu’il s’agissait là d’un travail précurseur de toute première importance qui apportait une nouvelle lumière sur le double continent noir de l’histoire des femmes et de celle des lesbiennes. Hélas ! peu d’universitaires français(es) se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Marie-Jo Bonnet ! L’homosexualité féminine reste un sujet relativement tabou dont l’histoire est peu abordée, comme en témoignent les dernières grandes publications sur « l’Histoire de la vie privée » au Seuil ou « L’histoire des femmes » chez Plon.14 ».
Mais comment auraient-elles pu s’engouffrer dans la brèche que j’avais ouverte ? J’étais devenue une personne gênante que l’on n’invitait plus aux colloques, aux séminaires, aux livres collectifs et qui ne fut même pas contactée pour participer à la vaste entreprise de L’Histoire des femmes menée par Michelle Perrot et certaines de mes compagnes d’hier. Souhaitant sans doute devenir respectables et sexuellement correctes dans l’espoir d’être reconnues par la « loi du Père », les « féministes officielles » sacrifièrent celles qui assumaient publiquement leur homosexualité et osaient en faire leur école de liberté.

C – Le prix de la « mise en conformité »

Si l’Eros lesbien fut stigmatisé au point d’être exclu du champ de connaissances communes, c’est aussi pour des raisons « objectives » que je vais tenter de cerner ici dans leur grandes lignes.

1 – L’échec de l’institutionnalisation des études féministe – 1981-1985

Cinq ans après le grand colloque de Toulouse « Femmes, Féminisme, Recherche », en 1982, l’Association Nationale des Etudes Féministes écrivait dans le premier numéro de son bulletin d’Etudes Féministes :
« … nous n’avons guère progressé. Certes le CNRS a permis, via l’ATP* femmes, que des recherches soient menées. Certes, 4 postes universitaires en Etudes Féministes ont été créés (…) Mais tout le monde comprend bien que ces « acquis » n’en sont pas, même s’ils nous donnent, de fait, une certaine visibilité, une certaine légitimité que nous n’avions pas auparavant. Mais surtout, les dernières années ont montré la fragilité de ces « conquêtes » : les perspectives ouvertes en 1982 n’ont pas débouché sur les résultats souhaités, et les associations régionales créées après Toulouse se sont évanouies – à quelques exceptions prés . »
La hantise de créer un  » ghetto féministe » dans l’université comme il en existait aux Etats Unis, affirmait-on, décida plusieurs professeures d’université désireuses d’être reconnues par leurs pairs, et non des moindres puisque Michelle Perrot en faisait partie, -à opposer leur veto à la création de départements d’études féministes. Ce geste neutralisa du même coup la dynamique d’institutionnalisation pour rejeter chacune dans une logique de carrière individuelle. On a pu voir la faiblesse d’une telle stratégie quand plusieurs professeures sont parties à la retraite (à Paris VII notemment) en laissant volontairement un vide derrière elles, à peine comblé, en ce qui concerne l’histoire des femmes par la nomination en 1994, il me semble, de Gabrielle Houbre. La nouvelle Maîtresse de Conférence n’avait pourtant pas fait sa thèse sur un sujet d’histoire des femmes 16 alors qu’une cinquantaine d’historiennes avaient soutenu la leur sous la direction de Michelle Perrot entre 1979 et 1992. Heureusement, en Michèle Riot-Sarcey sera élue professeure à un poste d’histoire des femmes à l’université de Paris VIII en 1998.
Quant à l’ATP, il a permis à Claudie Lesselier de réaliser un travail sur les lesbiennes17, ce travail resta également sans suite, mais mon projet de recherche sur des femmes artistes contemporaines fut rejeté sous prétexte que leur « peinture n’était pas féministe » et parce que j’avis changé de spécialité. En fait, était réintroduit le cloisonnement entre les domaines de recherche et la hiérarchie des statuts. On sanctionnait aussi mon désir de rester indépendante dans l’orientation de mes recherches. Ce refus m’a précipitée dans une période de « sombres pensées » dont je suis ressortie en 1989 grâce au soutien de Michèle Brun qui m’a donné la possibilité de publier un article sur les femmes artistes du XVIIIe siècle dans le catalogue d’une exposition célébrant le bicentenaire de la Révolution à Berlin.

2 – La crise du militantisme féministe et l’émergence du radicalisme lesbien (1979-1989)

après l’éclatement du M.L.F. en 1979, 1980, la pensée féministe s’est repliée vers l’université dans l’espoir d’y être reconnue, discutée et légitimée avec l’appui de la nouvelle majorité présidentielle socialiste arrivée au pouvoir en mai 1981. Toutefois, les modalités imposées par l’institution universitaire divergeaient sensiblement du cadre de réflexion que nous avions construit au M.L.F. Les groupes, séminaires libres et collectifs de discussion furent remplacés par des colloques avec des spécialistes « scientifiques » qui doivent faire acte d’allégeance à l’université pour avoir le droit de parler sur la tribune. Ce fut donc le retour de l’académisme, de la hiérarchie, de la « scientificité », en un mot de l’Institution patriarcale. Comme l’a dit joliment Michelle Perrot lors de la journée organisée à l’occasion de la journée « 25 ans d’études féministes, l’expérience Jussieu », il fallait faire un « compromis entre les exigences féministes et les exigences scientifiques » en effectuant une « mise en conformité ».
Nous (le GEF et les chercheuses féministes) n’avons pas réussi à mettre en place une troisième voie, un pont entre l’institution et le hors institution, malgré l’existence de structures d’échanges comme le séminaire « Limites / frontières » (qui réunit de 1980 à 1988 des scientifiques et des littéraires pour confronter leurs recherches dans et hors institution). Malgré aussi deux autres structures remarquables : Les Cahiers du Grif, animés depuis 1973 par Françoise Collin; et l’association Dialogues de Femmes, créée en 1978 par Alice Colanis et qui, un dimanche par mois, invite une écrivaine à exposer son sujet puis à discuter avec les participantes19 . Cet échec est tributaire de la mise en conformité et de la dispersion des féministes. En l’absence d’un mouvement fort qui construit un espace propre aux femmes – la « société des femmes20 » – où s’élabore notre culture, c’est l’institution qui devient le lieu de repli de la pensée féministe, et forcément le lieu de soumission aux critères du savoir patriarcal.
De plus, le radicalisme lesbien qui émerge au tournant des années 1980 a eu pour conséquence imprévue d’isoler les chercheuses lesbiennes en fournissant aux féministes institutionnalisées le prétexte commode de l’anti hétérosexualité de leur position théorique pour les marginaliser. Du côté du mouvement radical, c’est le repli sur une définition étroite des lesbiennes21 coupée de la dynamique socialisatrice des années 1970 qui visait à unir les femmes, quelle que soit leur pratique sexuelle. La question étant toujours de savoir sur quels critères définir notre identité de femme.
Le séminaire de recherche organisé par les Archives Lesbiennes à Paris de 1986 à 1988 est l’illustration de cet isolement / marginalisation. Non institutionnel, non mixte, il dure deux ans sans pouvoir introduire la problématique lesbienne dans l’université, le féminisme officiel, l’édition ou les colloques internationaux. C’est l’enfermement sur soi que le mensuel Lesbia magazine va figurer à la fin des années 1980 en refusant de parler du politique, des gays, et des hétérosexuelles. A quoi sert de construire un territoire propre si c’est pour n’y admettre que les lesbiennes et refuser le dialogue avec les « autres ». La recherche sur les lesbiennes doit inclure toutes nos « identités ». Se limiter à l’identité sexuelle, c’est s’enfermer dans un monde à une dimension. L’amour est unificateur, et l’amour entre femmes vise, à mon avis, à la construction de la sororité afin de prendre place dans la Cité.

3 – Le passage d’une culture féminine identitaire à la théorie des rapports sociaux de sexe.

Les programmes de Gender studies créés aux Etats Unis et leur équivalent en France, l’analyse des rapports sociaux de sexe, sont devenus une sorte de cheval de Troie du féminisme pour investir l’université. Il se sont toutefois révélés, à long terme, un obstacle pour la reconnaissance et le développement des études lesbiennes en France parce que ces dernières concernent par définition les relations des femmes entre elles, et non les rapports entre les hommes et les femmes. Or aujourd’hui, c’est le cadre théorique des identités de sexe et de genre qui s’est imposé en Europe par le biais de la suprématie économique de l’Amérique du nord et de la réussite de l’institutionnalisation du féminisme dans l’université américaine qui est devenue la référence, et la seule. En France, on connaît mieux les recherches des Américaines que celles de la Danoise Karin Lützen, de la Hollandaise Judith Schuyf ou de l’Allemande Gudrun Schwarz. L’objet « femme » n’est pas légitime en soi. Pour le faire admettre comme objet de connaissance auto suffisant, on doit définir les femmes dans leurs relations aux hommes ou dans la construction sociale du sexe. Que fait-on de la littérature, de la peinture, de toute la production culturelle des femmes où s’est construite une conscience « humaine » aussi nécessaire à notre compréhension du monde que la conscience masculine. Une des conséquences des Gender Studies est de reconduire ipso facto la domination de l’homosexualité masculine, conçue comme générique, face à une homosexualité féminine toujours reléguée dans le spécifique comme le sont les femmes par rapport aux hommes.
La société des femmes dans laquelle s’est élaborée une culture identitaire basée sur la reconnaissance de la valeur des femmes, prises en elles-mêmes, a perdu du même coup tout potentiel de légitimation dans l’Institution. Les femmes y furent admises, oui, mais à condition qu’elles ne parlent que de leurs rapports avec les hommes et/ou de l’articulation identité de sexe / identité de genre. Ce faisant, on a éliminé l’homosexualité, le regard du sujet femme et l’on s’est coupé du processus de symbolisation de l’homosexualité féminine amorcé dans les années 1970, sans laquelle il n’est aucune reconnaissance possible des femmes dans la Cité.

4 – L’épidémie du Sida

La disparition des chercheurs gais de ma génération, comme l’historien Michel Rey23, a accentué l’isolement des lesbiennes en mettant fin au dialogue engagé entre nous dans nos disciplines et la presse militante (Gay pied et Masques). Je me souviens de colloques, à l’Ecole de Médecine notamment, où les hommes commençaient à parler du sida, de la mort, des deuils, et où nous, les femmes, ne savions plus que faire : parler de nous ? les écouter ?
La nécessité de lutter contre la maladie a réorienté les énergies vers de nouvelles disciplines comme la médecine, la sociologie et le droit. Les subventions sont allées à la recherche et à la prévention du Sida, les chercheuses lesbiennes devant s’insérer dans la problématique du sida, si elles voulaient des fonds (ce fut le cas, par exemple, de Brigitte Lhomond). Elles devaient donc s’intégrer aux problématiques dominantes ou financer elles-mêmes leurs travaux 24 .
Le Groupe de Recherches et d’Etudes sur l’Homosexualité et les sexualités, dirigé par Rommel Mendès-Leite, est la seule structure associative, avec la maison d’édition des Cahiers Gai-Kitsch-Camp, dirigée par Patrick Cardon, à Lille, qui a continué les recherches. Orientée sur le sida, à cause du système des subventions, elle ne pu toutefois offrir un espace de réflexion aux recherches sur l’Eros lesbien.

C – Vers une Cité bisexuée...

La conséquence de ces faits accumulés a entraîné un retard de la France que déplorait ainsi Gert Hekma, historien à Amsterdam, en 1994 :
« La France n’est plus le phare culturel d’autrefois… Quand on lit le Journal of Homosexuality, la France est quasiment absente… La France a un passé qui compte mais qui n’est pas représenté dans la littérature historique internationale contemporaine. Les Français m’ont donné l’impression qu’ils ne croient pas à l’importance de cette histoire. Mais pour nous, l’histoire des homosexualités en France est essentielle 25 »
L’année 1995 marque cependant un tournant. Le succès des Fiertés gays et lesbiennes a favorisé l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheuses qui renoue le fil brisé en 1985. Je nommerai notamment côté femmes : Martine Caraglio, Sandra Boehringer, Marianne Schulz, Florence Tamagne, Danielle Charest, etc. Mais le blocage des institutions persiste : sexisme, lesbophobie et homophobie sans précédent dans l’université et les institutions de recherche, ce qui mène à l’autocensure et la paralysie mentale. De nombreuses chercheuses n’osent parler des femmes de crainte d’être bloquées dans leur carrière et marginalisées.
Un autre fait inquiétant est l’absence d’échanges culturels et d’alternative à l’université. aujourd’hui, l’université est le seul lieu de légitimation des savoirs, ce qui est dangereux et ouvre la porte à toutes les récupérations. La valeur n’est plus le critère dominant de la recherche. C’est le vedettariat, le culte de la personnalité, la société du spectacle et du prét-à- penser. La crise est si profonde que l’université devient un lieu de repli où s’affrontent les ambitions et les carrières. On peut ainsi s’étonner qu’une universitaire comme Françoise Gaspard ait fait appel en 1998 au journaliste Didier Eribon pour tenir à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales le premier séminaire sur l’homosexualité, alors qu’un autre projet était initialement prévu. Intitulé « Quelles constructions des homosexualités – 1945-1971 ? », il était préparé par Claudie Lesselier et Olivier Jablonski et devait avoir lieu soit dans son séminaire, soit à la Maison des Sciences de l’Homme, mais il ne pu aboutir parce que Françoise Gaspard, préféra monter son projet avec un journaliste connu pour ses contacts avec les Etats Unis et les intellectuels en vue plutôt, qu’avec les universitaires spécialistes du sujet qui avaient déjà soutenu des thèses ou des D.E.A.
A l’heure actuelle, en France, nous sommes revenus à l’état d’avant Mai 68 dans une université mandarinale qui écrase les idées nouvelles. Aux Etats Unis, les Gender studies ont montré leur incapacité à prendre en charge la connaissance d’Eros lesbien. Il faudra que l’université s’ouvre à de nouveaux concepts philosophiques et politiques si elle veut participer à la révolution symbolique qu’opère actuellement la pensée féministe et homosexuelle. Je conclurai par cette phrase d’Arlette Farge, qui est la seule historienne française, à ma connaissance, à s’être exprimée publiquement sur la question :
« A l’évidence, existent des zones de silence et d’occultation en histoire concernant l’homosexualité et plus particulièrement le lesbianisme. Elles sont faites non d’ignorance, mais bien souvent d’agacement plus ou moins conscient face à cette réalité toujours tenue sous silence».
Cette réalité n’est pas seulement tenue sous silence par l’Institution, mais, ce qui est plus grave, par les universitaires féministes reconnues qui ne citent jamais les travaux sur l’amour entre femmes dans leurs ouvrages sur l’histoire des femmes , et par les universitaires gays qui organisent tranquillement des colloques officiels sur l’homosexualité sans consacrer une seule communication aux lesbiennes .
Mais si les femmes doivent se battre encore sur ces deux fronts pour que leurs travaux soient reconnus dans leur dimension universelle (pour que chacun se reconnaisse aussi dans l’humanité des lesbiennes), il faudra construire de nouveaux cadres de légitimité à nos connaissances. L’université n’est pas la seule possibilité. Il y en a d’autres que les lesbiennes expérimentent depuis plusieurs années déjà dans ce que j’appelle leurs pratiques instituantes. Celles-ci s’appliquent aussi bien au champ politique – se représenter soi-même dans la Cité à travers la Coordination Lesbienne Nationale, par exemple, qui rassemble plus de vingt associations lesbiennes réparties sur tout le territoire français, qu’au champ économique et culturel à travers la réappropriation de notre image.
La symbolisation de l’amour entre femmes est un des enjeux du féminisme du XXIe siècle. Sans elle, il n’y aura pas d’accès durable à la vie de la Cité ni, et c’est peut-être plus décisif, à une vie de l’Esprit autonome. Explorons notre propre richesse et donnons lui de la valeur.
septembre 1998 – avril 2000
(pour les notes, se référer à la version papier.

Article paru dans : Voix Féministes n°7, La recherche sur les lesbiennes. Enjeux théoriques, méthodologiques et politiques, sous la direction de Denise Veilleux, Institut canadien de recherches sur les femmes, avril 1999.
et dans « Les noces entre la pensée et la vie », Vingt-cinq ans d’études féministes, L’expérience Jussieu, Cahiers du CEDREF, Université Paris 7-Denis Diderot, juin 2001
« De la libération des femmes à l’institutionnalisation d’un féminisme bon chic bon genre » et « Voir au-delà de la loi phallique », Actes du colloque Sexe et Genres, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, 2003.

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Publié par

Marie-Jo Bonnet

Marie-Jo Bonnet, historienne de l’art et des femmes. Elle a publié une petite vingtaine de livres et de nombreux articles.

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